Sommaire
I – Les trois Henri
1.1. Qui sont les trois Henri
1.2. Les trois Henri ou la guerre de succession d’un roi encore vivant
1.3. De Roitelet de Navarre à roi de France
II – A la conquête d’un royaume
2.1. l’approbation incertaine des rois de France
2.2. Arques, l'éclat d'une bataille
2.3. Ralliez-vous à mon panache blanc
2.4. Henri IV ne renonça jamais à la couronne mais finit par renoncer à sa religion
2.5. Le sacre
2.6. Le retour à Paris
III – Mais Paris ne fust pas fait en un jour
IV – le grand dessein d’Henri IV
4.1. Un projet de plusieurs siècles
4.2. Deux architectes, deux architectures
4.3. La grande galerie
4.4. La petite galerie
4.5. Le château sous Henri IV
4.6. Le jardin
4.7. Histoire d’O et la Samaritaine
V – Memento quia pulvis es
5.1. Jeux d’alliance
5.2. Prédictions, présages et pressentiments
5.3. La journée du vendredi 14 mai 1610
5.4. Madame, les rois ne meurent pas en France
VI – Stupeurs et tremblements
Preuve est faite que visages dévots et pieuses actions nous servent à enrober de sucre le Diable lui-même. Hamlet
Reprenons l'histoire et arrêtons nous en 1576.
Même si l'Édit de Beaulieu en 1576 qui donne des droits élargis aux protestants, lui a été imposé par son frère le duc d'Alençon, Henri III semble se rallier sincèrement à une politique d'ouverture envers les protestants.
La mort du duc d'Alençon, parti pour un monde meilleur, sans descendance est un tsunami politique. On l'a lu précédemment, le roi lui-même étant sans enfant, la
couronne revient à Henri de Navarre, de la maison de Bourbon. Bien entendu Henri III n'est pas un
pompier pyromane. Profondément respectueux d'une longue tradition monarchique qui a façonné le pays du lys, le souverain confirme que selon les lois fondamentales du royaume que lui-même
n'est pas en droit de changer, le protestant Henri de Navarre sera son héritier. Le roi ignore t-il les conséquences de cette décision ? Henri III est un optimisme. D'une part, il espère lui même
engendrer. D'autre part si cela ne se produisait pas malgré toutes les messes que le couple royal fait donner pour que Dieu exauce ce vœu, le roi pense qu'en bon politique Henri de Navarre
abjurera sa religion avant le sacre. Dans cette expectative, Henri III a détaché deux ambassades (aout 1584 et décembre 1586) démontrant à son cousin qu'il n'avait pas d'autres choix que de
se convertir. Henri de Navarre hésite, mais n'est pas encore prêt. Par contre il assure son royal cousin, que les huguenots seront à ses côtés pour détruire leur ennemis commun, le duc de
Guise.
Seuls les principaux évènement seront rappelés ici, car ils sont trop nombreux à jalonner la période pour être tous cités.
Entre l'édit de Beaulieu qui est un édit de tolérance envers les protestants et l'idée de voir un hérétique sur le trône, les catholiques s'organisent en ligues, dont le but d'éradiquer l'hérésie calviniste et d'empêcher Henri de Navarre d'être roi de France. Plusieurs ligues éclosent dans les principales villes, mais La Ligue parisienne toute acquise au duc de Guise est parmi les plus virulentes, et la mieux organisée. Il est important de se rappeler que tous les ligueurs ne sont pas des exaltés agités du chapelet : les plus finaux poursuivent le but quasiment explicite d'abaisser le pouvoir royal. Henri III comprenant le danger prend la tête de La Ligue, mais échoue dans la manœuvre. Par commodité rédactionnelle, on parlera ici de La Ligue, comme représentative d'une vaste mouvement politique opposé au roi.
Le 6 janvier 1585, Jean-Baptiste II de Taxi l'ambassadeur de Philippe II à Paris signe au nom de son roi avec le duc de Guise, un traité secret l'assurant du soutien total de l'Espagne pour empêcher Henri de Navarre de monter sur le trône de France. 50 000 écus seront versés chaque mois à La Ligue. Imaginons les deux complices fêter leur complicité en savourant un précieux vin d'Alicante.
L''extermination des protestants fait partie du programme et Philippe II s'engageant à reconnaitre comme héritier légitime du
roi de France, le cardinal de Bourbon.
En juillet 1585, Henri III a échoué dans sa tentative de contrôler La Ligue et celle-ci parvient à lui
imposer en juillet 1585 le traité de Nemours. En voici les principales dispositions. Le texte donne aux hérétiques 6 mois pour choisir entre la vraie religion et celle de Calvin. Sinon exit du
royaume, ou mort assurée. Les places fortes octroyées par le roi où les
protestants pouvaient se réfugier doivent être rendues au roi. Et ce dernier déchoit Henri de Navarre de ses droits à la couronne. Pour Henri III de Valois la politique de la Sainte-Union est un
facteur aggravant de désunion. Incontrôlables, ses membres sont des adversaires de plus en plus dangereux.
Le 13 décembre 1586, Catherine de Médicis essaie de rallier Henri de Navarre lors des conférence de Saint-Brice (à l'ouest de Cognac) qui s'achève sur un
échec en février 1587.
Ainsi la guerre reprend. Perfide le roi divise ses forces en deux armées,
commandées d'une part par "son mignon" le duc de Joyeuse et d'autre part, par le duc de Guise. L'idéal pour le roi serait que le premier donne une bonne leçon aux Huguenots français qui sont
implantés dans le sud-ouest pour rabattre le caquet de son cousin, et que le second soit défait par les reitres allemands et les mercenaires suisses. Contre toute attente, le duc de Joyeuse
perd la vie le 20 octobre 1587 à Coutras où Henri de Navarre écrase les troupes royales engagées dans le sud-ouest. Subtil politique le vainqueur ne pousse pas plus loin son avantage en se
saisissant des villes de la région. La défaite d'Henri III signifie une perte de crédibilité qui affaiblit de manière significative l'aura de la monarchie elle-même et fragilise par conséquence
le pouvoir du souverain. Et en tant que roi de Navarre et roi de France potentiel, Henri de Navarre mesure les risques qu'induisent un affaiblissement du pouvoir monarchique et l'abaissement du
pouvoir d'Henri III, prisonnier de La Ligue.
La suite. Henri III pleure son mignon à qui il réserve des funérailles à la mesure de sa douleur (c'est à dire grandioses) tandis qu'Henri de Navarre s'excuse auprès du roi de la mort du favori. De son côté le duc de Guise à Vimory (au sud de de Montargis) bat six jours plus tard une armée "d'estrangers" venue soutenir le roi de Navarre. Ce corps expéditionnaire placée sous le commandement du baron Fabien Ier de Dohna (ou Donaw), était composée de 20 000 Grisons à pied, de 4.000 lanskenechts. 4.000 arquebusiers français étaient commandés par le comte Guillaume-Robert de La Marck et son frère, le duc de Boillon ; quelques cornettes de cavalerie sont à mentionner. Le 24 novembre suivant, près de Chartres, le duc de Guise impose une lourde défaite aux suisses et aux germains à Auneau où une partie d'entre eux avaient fait retraite. Cependant globalement 12.000 soldats emmenés par le baron de Doha sont parvenus à s'échapper. Au pont de Gien (source) le baron perd 1200 lasquenets et son artillerie. Quel chance reste t-il à l'armée des huguenots face aux troupes royales commandées le duc d'Epernon, mignon du roi, qui est rejoint par le duc de Guise qui vient lui prêter main forte ? Néanmoins le baron et ses troupes épuisées poursuivent leur course vers le Morvan. François de Coligny, un autre leader protestant est venu rejoindre le baron.
Contre toute attente, le duc d'Epernon qui talonne les fuyards, au nom d'Henri III, négocie avec ces derniers leur retrait du territoire : ils ont la vie sauve s'ils rentrent chez eux. Concrètement ils quitteront le royaume en se divisant en deux groupes, passant respectivement par Mâcon et Montbéliard et bénéficieront de la protection royale jusqu'aux frontières du royaume. Cela s'est passé un 1er décembre 1587 dans le prieuré de Marsigny-les-Nonnains (source). François de Coligny qui a rejeté la proposition royale fuit avec 120 cavaliers en direction du Languedoc où il va grossir les forces d'Henri de Navarre.
Pour La Ligue, nul ne doute que les négociations engagées par le roi avec le baron visait à retirer au duc de Guise une victoire supplémentaire, tout en épargnant
des vies d'hérétiques. Les avocats du roi diront que le duc d'Epernon a sur-évalué l'adversaire qui ne représentait plus de menace, voire que le roi ait craint que les débris de cette armée ne
parviennent à renforcer le vainqueur de Coutras. Pour en terminer avec le retrait des reitres et des mercenaires suisses, je vous invite à prendre
connaissance de la bataille de Vire-Culs. C'était un triste 10 décembre 1587 et
même si les combats qui ont pour cadre le Pilat, massif montagneux sur les contreforts du Massif Central ne figurent pas dans les anthologies des grandes batailles, le récit en vaut la
peine.
La double victoire de Vimory et d'Auneau renforce l'influence du duc de Guise, alors que la défaite de Coutras joue contre le roi. Les négociations que ce dernier à
mené à Marsigny-les-nonains déchaine la colère de La Ligue et l'effet sent fait sentir quand Henri III rentre à Paris le 23 décembre suivant. Si le duc de Guise n'avait pas été là, Paris serait
entre les mains des hérétiques. Pour les parisiens Henri est un lâche, un jaloux et un envieux.
Dès lors le roi se sent en danger chaque jour, et il n'a pas tord.
En janvier 1588, le duc de Guise qui se trouve à Nancy réunit la majorité de ce que compte la noblesse catholique amie. Considérant que le roi est très mous quand ils faut combattre l'hérésie, ils écrivent un manifeste pour le roi et les Ligues.?
. avril 1588, Henri III est informé que la duchesse de Montpensier, sœur du duc de Guise prévoit de le faire assassiner entre le Louvre et Vincennes. Henri III part pour Vincennes mais double sa garde rapproché. Le roi est sur ses gardes, sachant que ses ennemis prévoient de le déposer avant de l'assassiner. Dans un article précédent, vous avez lu que le 13 mai 1588, le roi s'est évadé du Louvre pour échapper à la La Ligue qui voulait contrôler sa personne. Ce mouvement ultra-catholique, dont une des figures charismatiques est le duc de Guise, fort des soutiens militaires et financiers espagnols, défie le roi à qui elle reproche une politique laxiste envers les protestants. La Ligue a parmi ses objectifs l’éradication totale du protestantisme et refuse de voir Henri de Navarre succéder au roi. Henri III est humilié par cette ligue factieuse qui fait la pluie et le mauvais temps. Temps sombres pour le roi ! Il s'est débiné de son palais, comme un vulgaire taulard se serait carapaté de la prison du Châtelet. Et s'il n'avait pas cavalé comme un dératé loin de Paris, à l'heure qu'il est, La Ligue n'écrirait-elle pas sa nécrologie ?
De Chartres qu'il a gagné à franc étrier où il a trouvé refuge, Henri de Valois
retrouve un minimum de dignité royale pour y draper Sa Majesté meurtrie. En bon politique, cela lui permet sans trop barguigner d'accepter de négocier avec le duc de Guise. Au nom de son fils, Catherine de Médicis conduit les pourparlers
avec La Ligue. Même l'esprit retors de la reine-mère ne peut rien faire face à l'évidence. La Ligue c'est le pot de fer et le roi, le pot de terre. Henri III ne peut que s'incliner devant les
exigences des représentants de ses sujets rebelles. Les juristes dégagent les points essentiels qui reflètent les volontés de La Ligue et qui font être traduites dans une "loi inviolable et
fondamentale". Il est rappelé que le roi appartient à la "religion catholique, apostolique et romaine". Et cette catholicité affichée conduit le souverain à sommer ses
sujets à ne pas "prêter obéissance à prince quelconque qui soit hérétique ou fauteur d'hérésie" ; exit Henri de Navarre ! de plus le roi doit s'engager à ne donner des
charges civiles ou militaires, qu'à ceux qui sont de "sa religion". Et comme cela ne suffit pas, le roi s'engage à "extirper de notre royaume, pays et terres de notre
obéissance, tous schismes et hérésies condamnés par les saints conciles et principalement celui de Trente, sans faire jamais aucune paix ou trêve avec les hérétiques, ni aucun édit en leur
faveur". Après que ces fondamentaux aient été couchés par écrit, le roi appose sur ce
document sa signature le 15 juillet 1588 à Rouen. Puis ce contrat arraché au prince et dit "Édit d'Union" est scellé solennellement d'un cachet de cire de couleur verte. Rageur Henri III
aplati sous le rouleau compresseur de La Ligue dissimule ses vrais sentiments. Obligé de fuir son palais, obligé d'ouvrir des négociations et de signer l’Édit d'Union, le roi se sent injurié.
Mais démuni et toute honte bue, l'esprit finassier qu’il tient de sa mère lui conseille de gagner du temps et de feindre d'être l'outil utile aux ambitions des ligueurs. Tant qu'il
simule de les servir, cachant ses velléités de vengeance, il a des chances de rester roi.
Perspicace Henri III ne cède pas sur un point exigé par le duc de Guise et relayé par la reine-mère ; il ne rentrera pas à Paris. Les paroles rassurantes et doucereuses du duc de Guise ressemblent au gruyère dont on se sert pour pour attirer une souris vers la tapette. Et ce n'est pas parce La Ligue lui a fait la réputation d’être homosexuel que les parisiens frondeurs vont réussir à le leurrer comme on trompe une souris avec un morceau de fromage.
1.2. Les trois Henri ou la guerre de succession d'un roi encore vivant.
Arrêtons le sablier de l'histoire, tout en sachant qu'il est Impossible de retracer tous les épisodes qui découlent de la mort en 1584 de François d’Alençon, le dernier frère du roi.
En février 1587 Élisabeth d'Angleterre l'hérétique protestante fait tomber la tête de sa cousine catholique, Marie Stuart. Contrainte de fuir son pays, l'ex-reine d’Écosse qui avait abdiqué
en faveur de son fils, avait trouvé refuge en Angleterre où elle vivait en résidence surveillée. Elle est condamnée à mort, soupçonnée de comploter pour s'emparer du trône d’Élisabeth avec l'aide
des catholiques anglais et écossais (il en reste encore beaucoup même s'ils ne s'affichent pas) aidés par La Ligue française et les catholiques espagnols. Cette nouvelle bouleverse les sujets
catholiques d’Henri III. D'une part Marie Stuart a été mariée à François II, le frère ainé du roi et d'autre part Marie Stuart, fille de marie de Guise, appartient à la branche Guise de la Maison
de Lorraine. Les rois d'Espagne et de France sont bien intervenus auprès d’Élisabeth, mais cette dernière persuadée que sa cousine complotait contre elle est restée sourde aux supplications
des ambassadeurs Espagnol et Français. Ne tenant pas compte que l'échec diplomatique est double, les catholiques français reprochent à leur roi de ne pas avoir empêché la mort de la veuve
de François II. Reproches non justifiés quand on sait que l'ambassadeur du roi, Michel de Castelnau Mauvissière, connait fort bien Élisabeth et que la reine d'Angleterre l'apprécie réellement. On ne
peut qu'imaginer que le diplomate français ait trouvé les bons arguments en démontrant entre autres que la mort de Marie fédérerait les souverains et princes catholiques contre elle, desservirait
Henri III et que toute déstabilisation du roi sur le plan intérieur Français renforçait La Ligue, cette hydre papiste
dont l'influence s'étendait jusqu'en Angleterre et en Écosse. On ajoutera qu'Henri III avait dépêché pour appuyer son ambassadeur en poste à Londres, un diplomate hors pair, Pomponne de Bellièvre, ambassadeur royal
extraordinaire. A ce dernier la reine avait promis de réfléchir à laisser la vie sauve à sa cousine.
1.2. Les trois Henri ou la guerre de succession d'un roi encore vivant
En mai 1588, les catholiques ouvrent les hostilités. Paris où réside le roi est acquise à la cause catholique et aux mains de La Ligue catholique. L’insurrection couve contre le souverain qui
ordonne à quatre mille Suisses et deux mille Gardes Françaises de
stationner à l'extérieur des murailles, mais aux portes de paris. Henri III persuadé à juste titre que le trublion duc de Guise est derrière l'agitation parisienne, lui ordonne de rester à Nancy
car "il le tiendrait pour criminel et auteur des troubles de son royaume".
Le 9 mai, bravant l'interdiction royale, le duc de Guise entre dans Paris. La ville acclame son champion comme un sauveur, comme
un roi. Et "le roi de Paris", le champion du jour de parader jusque dans le Louvre où Henri III s'est terré. Se présentant au roi accompagné de quelques compagnons, le rebelle
s'inquiète soudainement de voir autant d'hommes armés dans le palais. Dès lors, le duc craint pour sa vie. Il n'a pas tord ! Henri III furieux des explications fallacieuses que le duc va lui
servir a pensé à le faire tuer ; mais encerclé dans son palais, il mesure les conséquences de ce meurtre. Le roi se contente de reprocher au duc de Guise d'avoir enfreint son ordre. L'esprit
cauteleux, une mine de chafouin, la main sur le cœur, la parole cajoleuse,obséquieux le duc assure son souverain qu'il est venu lui-même le convaincre de ses
bonnes intentions, et d’ôter en personne de son esprit toutes les mauvaises intentions que ses ennemis avaient mis traitreusement dans l'âme du roi.
Le lendemain, entouré de très nombreux gardes du corps, le duc de Guise tombe le masque en revenant au Louvre. Sans
déférence pour la personne royale (et voilà un point sur lequel Henri III est sourcilleux) insolent il revient au palais, le ton du commandement, pour dicter des exigences claires. Sa Majesté doit écarter de son conseil ses amis qui sont contraires aux Guise
(comme le duc d'Epernon) et ses ministres. Ils seront remplacés par de bons catholiques labélisés "Ligue" ; et le roi devra préciser clairement que la
couronne de France ne passera pas au roi de Navarre. Le roi réserve sa réponse ; le duc de Guise sait que c'est une habitude que prend Henri III quand il est acculé ; cela lui permet aussi de
sauver la dignité royale.
Le 13 mai 1588, soit le surlendemain, Henri III qui s'est claquemuré dans le Louvre fait entrer dans la ville les troupes restées fidèles. En réaction, les premières barricades de l'histoire de la ville
s'érigent, et Paris se soulève. A défaut d'avoir eu le temps de s'organiser, d’avoir reçu l'ordre d'attaquer, les troupes royales rapidement encerclées sont défaites, et les parisiens
maitres de la capitale.
Sans se départir de son calme, mais prenant une mine contrariée pour feindre une soumission forcée, Henri III tout en mesurant la
situation désespérée où il se trouve, cherche le moyen de rebondir. Le lendemain, prétextant une promenade avec quelques compagnons dans le jardin des Tuileries non loin duquel se trouvent les
écuries royales, le roi enfourche sa monture qui le conduira loin de Paris. Il laisse dans la capitale révoltée ses deux complices. Elles couvrent son départ car nul n'aurait imaginé qu'il puisse
les abandonner derrière lui dans une situation périlleuse : sa femme et sa mère. Ayant franchi la porte neuve, a brides abattues le souverain fonce vers Saint-Cloud. Certain d'avoir échappé; à
ses ennemis, il prend le temps de la colline de Saint-Cloud de se retourner vers la rebelle, cette "ville ingrate et ennemie de son roi". La maudissant il jure de n'y rentrer "que
par la brèche". De Saint-Cloud, avec son escorte, il fonce vers Rambouillet. Le lendemain il se trouve en sécurité entre les murs de Chartres.
En Pologne il fuyait des sujets qui voulaient le retenir ; en France, il échappe à des sujets révoltés qui n'auraient pas hésité à attenter à sa vie. On assiste là à
un point de non-retour. L'affront fait à la personne royale est impardonnable pour le roi !
Et puissent vos actes confirmer vos beaux discours, et de bons effets sortir de paroles si tendres ! Le roi Lear. William shakespeare.
Répondant à une initiative de La Ligue, Henri III la rancune bien cachée, ouvre des négociations sollicitées par les Ligueurs. Elles sont conduites par Catherine de Médicis Elle va tenter de pactiser avec le duc de Guise dont elle connait bien les points forts et les points faibles.
Ce dernier, intérieurement, est furieux que le roi qui était à sa merci lui ait filé entre les doigts. Catherine sait que le duc de Guise feint de composer avec son
fils pour ne pas donner le sentiment qu'il a voulu s'emparer du trône par la force et que le roi sous tutelle peut encore servir ses desseins. Voilà pourquoi le duc ouvre des pourparlers avec son
souverain. Sur cette base, Catherine tente de sauver son fils et la dignité royale. Seules les apparences sont sauvées. Les tractations conduisent le roi a signer en juillet 1588 l'édit d'Union.
Dans l'incapacité d'imposer son autorité, le roi cède aux différentes exigences des chefs Ligueurs. L'exclusion d'Henri de Navarre à la succession est re-confirmée et les protestants seront
anéantis. Les parisiens révoltés sont pardonnés et les États Généraux seront convoqués pour voter les crédits utiles pour poursuivre la lutte contre les hérétiques. Henri III reste ferme sur un
seul point : il ne rentrera à Paris. L'édit d'Union est en réalité un accord de plus qui masque à peine le désaccord entre le roi et La Ligue. Si les protestants ne sont pas les amis déclarés du
roi, Henri III a déjà classé les membres de la Sainte-Union dans la case "régicides potentiels".
Déconsidéré par les deux parties, Henri III reprend espoir en apprenant la défaite de l'Armada, pas si invincible que cela ! Cette flotte "titanique" et
impressionnante, armée par Philippe II d'Espagne, allié catholique du duc de Guise, avait pour objectif l'invasion de l'Angleterre. Le camp catholique européen déplore la perte de l'Armada et se
noie dans un océan de larmes. Élisabeth d'Angleterre et le monde protestant respirent et jubilent. Dans ce fiasco militaire, Dieu était de leur côté. Philippe II qui a englouti une fortune dans
cette expédition maritime, aura bien du mal à s'en remettre. Dans l'immédiat il est dans l’incapacité financière de conduire des expéditions militaires, de subventionner ses amis ligueurs
français et ses émissaires secrets en Angleterre qui tentent de renverser Élisabeth en soutenant les factieux anglais. Le roi de France profite de cette bouffée d’oxygène qui ne sera que de
courte durée. Il partage avec Élisabeth le même ennemi : les catholiques. On imagine que l'ambassadeur de France à Londres qui entretient des relations étroites avec les conseillers de la
reine, notamment Robert Dudley, comte de Leiscester ne cache pas que son roi s'est réjoui de savoir vengées les deux expéditions maritimes de 1582 et 1583 où la flotte française aux Acores avait
été battue par celle de Philippe.
Michel Del Castillo dans son "Dictionnaire amoureux de l'Espagne" décrit la manière avec laquelle le souverain espagnol apprend la défaite de sa flotte. D'abord
l'écrivain découvre pour le lecteur arrivé à la lettre E (pour Escurial) les facettes d'une personnalité despotique fascinante. C'est dans son palais de l'Escurial, "horrible, lugubre,
sinistre", qui tient plus du couvent et de la nécropole royale que de la résidence d'un souverain, que le roi de toutes les Espagnes et des deux Indes que le monarque reçoit la
nouvelle.
Fasciné, Michel Del Castillo sans rien cacher du caractère caricatural de Philippe nous explique que "Philippe ne se hâte pas. La précipitation dérange l'ordre de
la puissance. Elle trahirait l'impatience, l'espoir, la colère, sentiments qui n'atteignent pas la majesté, pas plus que ne l'affectent la déception, la tristesse".
Un messager est arrivé à l'Escurial, porteur d'une nouvelle extraordinaire : la défaite de l'invincible Armada. C'est un messager royal, ceci explique pourquoi il
parvient à approcher son maitre. Ce dernier "Agenouillé devant l'autel assiste à la messe. Le courrier pense que la gravité de l'événement l'autorise à pénétrer dans l'église pour remettre sa
dépêche à sa Majesté qui, sans un regard, lui fait signe d'attendre. Enfin, la messe finie, le roi se lève, saisit le pli, le déroule. Pas un muscle de sa figure ne trésaille. D'une voix
tranquille il lâche ces mots : <j'avais envoyé mes navires combattre contre les Anglais, non contre les éléments>."
Retour en France. Le 2 septembre 1588, conformément à l'édit d'Union, les États Généraux se réunissent au château de Blois où le roi s'est installé. Le prince qui
espérait pouvoir s'appuyer sur cette instance représentative du royaume pour reprendre la main et redorer son blason, déchante vite. Sous l'influence du duc de Guise et des ses alliés, cette
institution monarchique tente de rogner le pouvoir du roi, veut le contrôler, voire le déposer. Ce dernier Informé que La Ligue n'a pas renoncé à son projet de le de se débarrasser de lui se
décide de franchir le Rubicon.
Blois, le 23 décembre 1588. Au petit matin des carrosses se rangent au pied des appartements royaux. Noël approche et le roi va quitter Blois le temps des
fêtes. Le plan du roi est sans faille. Alors que le duc de Guise préside un conseil royal au château de Blois, le roi l'invite par le biais de son secrétaire à le rejoindre dans son
cabinet, dit le cabinet vieux, pour discuter en aparté de points à régler avant les fêtes. Le duc pourtant très avertit que le souverain veut sa mort accepte l'invitation, curieux de ce que le
roi à a lui dire au dernier moment et persuadé qu'il est devenu intouchable. N'a t-il pas quasiment 500 députés prêts à l'élire roi, n'a t-il pas des centaines de fidèles armés dans le château ?
n'a t-il pas la majorité du royaume avec lui ? que craint-il ? Pour atteindre cette pièce de travail, le duc doit traverser traverser la chambre du roi qui se trouve au deuxième étage, puis
descendre un étroit escalier en colimaçon.
Dans la chambre du roi, le duc est salué par 8 compagnons du souverain qui assurent sa garde rapprochée et qui semblent surpris de le voir surgir. Le duc leur
rend la politesse d'un air hautain et distrait tandis que ces derniers reprennent indifférents leurs conciliabules. Henri de Guise s'engage confiant dans l'escalier. En arrivant dans le cabinet
vieux, Henri de Guise commence à comprendre. Pas de roi, mais 12 hommes armés qui de toute évidence l'attendaient. Comprenant qu'il est piégé, il remonte précipitamment vers la chambre du roi où
la rapière à la main, les 8 spadassins qui viennent de le saluer de toute évidence, le regard mauvais fixé sur lui, guettaient son arrivée. Même si il a peu de chance d'échapper vivant au
guet-apens dans lequel il est tombé, le duc qui mesure plus de 2 mètres va vendre chèrement sa vie. Tout n'est pas perdu, le château du rez-de-chaussée aux combles est majoritairement occupé par
ses amis. S'il atteint une des fenêtres de la chambre royale, il peut appeler au secours. Il tente de repousser ses assaillants et en blesse un avec son drageoir. Mais ils sont 20 contre
un, et l'idée de tenir ce monstre qui a manigancé la mort de leur roi décuple leur force. Trop de tension retenue, d'attente depuis que le plan a été élaboré dans le plus grand secret, de
haine cachée pour feindre comme le roi. Ils le jettent au sol, et le frappent. Le transpercent de leur lame, le transpercent encore, et toujours et encore plus fort. Du sang partout
et des lames qui s’enfoncent dans son corps. Et en tombant au pied du lit royal, il rend l'âme en gémissant "Miserere mei Deus".
C'est ainsi qu'est mort le duc. Et quand le roi surgit de sa cachette, en voyant le corps de son ennemi tombé au pied de son lit, il aurait murmuré, en repoussant
le cadavre du pied "Mon Dieu ! Qu’il est grand ! Il paraît encore plus grand mort que vivant ! "
Ce meurtre a pour conséquence de soulever un grand nombre de catholiques français qui ne reconnaissent plus Henri III comme leur prince.
Le 7 janvier suivant le Parlement de Paris appelle les sujets du roi à la désobéissance et les prédicateurs catholiques se répandent à travers tout le royaume pour
prêcher le régicide.
1.3 De Roitelet de Navarre à roi de France
Le roi de rien ! C’est ainsi que Catherine de Médicis l'avait surnommé peu avant de mourir. Mais Henri III qui n'a pas eu sa couronne en tirant la fève, entend bien de pas être "le roi de rien" ou le roi "du néant". Il n'a pas le choix et ne peut que se rapprocher de son cousin et héritier, l'hérétique Henri de Navarre. Ensemble, ils rallient les catholiques modérés écœurés par les exactions de la Ligue et unissent leurs forces militaires. Elles sont assez nombreuses pour faire le siège de la capitale révoltée, qui devrait être reconquise sans grande difficulté. Les deux cousins prévoient de donner l'assaut le 2 août.
Et chacun sait que le 15 août sera férié.
Le 1er août, à Saint-Cloud, Jacques Clément, un moine fanatique, parvient à approcher Henri III assis sur sa chaise percée, et lui plonge un couteau dans le bas - ventre. Henri III, préoccupé de sauver son alliance avec les protestants, a juste le temps de rassurer son épouse, ses alliés et ses sujets. Les courriers qui partent aux quatre coins du royaume traduisent l’optimisme royal et celui des médecins : "Mais Dieu qui a soin des siens, n'a pas voulu que, pour la révérence que je porte à ceux qui se disent versés à son service, je perdisse la vie".
Seul Dieu dispose. Le répit sera de courte durée. Le 2 août, au plus mal, Henri III fait venir Henri de Navarre et agonisant le confirme solennellement une nouvelle fois dans son rôle d'héritier.
Celui qui faisait figure de provincial, de prince rustre éduqué avec des paysans, de coquin, ou au plus noble de trublion huguenot, de pauvre cousin de Navarre - et encore de la Navarre il ne restait à Henri de Bourbon que l’exiguë Basse-Navarre et le petit Béarn -, se proclame, dès la mort de son cousin, roi de France et de Navarre. Mais il ne sera reconnu officiellement comme tel que lors de son sacre cinq ans plus tard. Neuf années de campagnes militaires, beaucoup de diplomatie et une conversion réussie seront nécessaires pour qu'Henri accède enfin au trône de France. Il mettra fin à 36 ans de guerre de religion qui ont laissé le royaume exsangue.
Suite : A la conquête de son royaume (en cours de rédaction)
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