York : Ou la couronne ou un glorieux tombeau !
A nous le sceptre ! sinon, la terre pour tout sépulcre !
Henri VI - William Shakespeare
La guerre de cents ans ! une fatalité où les ducs de Normandie après s'être découverts rois d'Angleterre, accrochés à la branche capétienne de leur arbre généalogique obstinément réclament la couronne des lys. Dès lors (qu'ils soient de la dynastie des Plantagenêts ou des branches cadettes et rivales des Lancastre et d'York qui chassent le prince légitime), ils tentent dans une quête effrénée d'arracher aux souverains français le diadème royal. Non pas à la façon vile du brigand de grand chemin qui embusqué dans l'ombre lâchement guette une proie sans défense. Que nenni messire ! Héroïques, téméraires, poussés par un vif sentiment d'injustice, refusant d'être traités comme des vassaux, les rois anglais débarquent sur le continent. Un gambison passé sur un corps robuste, ils revêtent une armure étincelante et réclament rageurs, les armes à la main, l'héritage dont ils ont été spoliés. Leurs invasions sont en général des chevauchées (on dirait aujourd'hui des raids) qui anéantissent peuples et villes sur leur passage. Mais lors de batailles rangées comme à Azincourt où coincés comme le poisson dans la nasse ils se battent épuisés, malades, le ventre creux globalement à 1 contre 3, ils défont l’orgueilleuse ost royal français parti pour une victoire très largement assurée.
Une guerre cruelle, durable, offerte en héritage pour ériger et identifier deux nations et la période en un mythe dramatique ! William Shakespeare en tire des personnages tragiques et...homériques. Pour leur part, Maurice Druon et ses collaborateurs créent une dramaturgie tenant en haleine le lecteur aux malheurs d'un royaume qui se dit France. N'oublions pas que les auteurs mentionnent les autres personnages de ce temps, à savoir les nobles et le peuple. L’héroïsme de ce dernier est du quotidien et silencieux, excepté à quelques reprises où osant défier le roi; il se révolte. Le roi et les aristocrates sont là pour le défendre, alors il a le droit de se taire.
Voici ce que dit Jules Michelet de ces pauvres paysans au service d'une aristocratie dépensière aux activités guerrières justifiant son statut par des prouesses militaires, tout comme aujourd'hui ces hauts fonctionnaires dont la seule valeur ajoutée est d'écrire "en outre" quand le rédacteur à écrit "par ailleurs" :
"Dans cette guerre chevaleresque que se faisaient à armes courtoises les nobles de France et d'Angleterre, il n' y avait au fond qu'un ennemi, une victime des maux de la guerre ; c'était le paysan. Avant la guerre, celui,-ci s'était épuisé pour fournir aux magnificences des seigneurs, pour payer ses belles armes, ces écussons émaillés, ces riches bannières qui se firent prendre à Crécy et à Poitiers. Après qui paya la rançon ? ce fut encore le paysan.
Les prisonniers, relâchés sur parole, vinrent sur leurs terres, ramasser vitement les sommes monstrueuses qu'ils avaient promises sans marchander sur le champ de bataille".
Que prend t-on à ces malheureux gueux ? "Ses "maigres bestiaux, misérables attelages, charrue, charrette et quelques ferrailles". [...]. Et quand le vilain n'avait plus rien à donner, on le soupçonnait de cacher d'autres biens. Aussi " pour lui faire dire où il cachait son argent, On lui chauffait les pieds. On n'y plaignait ni le fer ni le feu".
Mème à l'agonie, serfs et vilains doivent survivre pour que son seigneur vive pour assumer les missions que Dieu lui demande d'assumer : les protéger... jusqu'à ce que mort s'en suive !
Loin de la paysannerie, née la Bourgeoisie. Derrière les murailles de la cité médiévale se développent notamment le commerce et l'artisanat. L'essor de ces activités économiques fait la richesse de la ville tout en créant de profondes inégalité au sein de la société urbaine. La prospérité des cités permet l'émergence d'une nouvelle classe sociale : la Bourgeoisie. Aux XIVe et XVe siècles, en rupture avec le système féodal, refusant les pressions fiscales, des villes oseront défier voire rejeter le pouvoir des autorités ecclésiastiques et/ou princières (par exemple révolte des villes de Flandres contre le duc de Bourgogne, révolte des Maillotins à Paris, tentative du prévôt de Paris Étienne Marcel de contrôler le pouvoir royal...). Lutte du pot de terre contre le pot de fer : le dernier mot reviendra au roi !
Revenons en à nos rois ! Majestueux ou insignifiants, braves ou vils, avides ou généreux, féroces ou magnanimes, sûrement tragiques et maudits, le règne de ces rois Anglais et Français enrichissent les chroniques historiques où ils se font attachants, tant ils nous ressemblent dans leur humanité.
Jules Michelet, cependant en forçant le trait d'une rédaction légère les distingue :
" le roi de France semble enfoncé dans son hermine ; il régente le roi d’Angleterre, comme son vassal et son fils ; méchant fils qui bat son père. Le descendant de Guillaume-le-Conquérant, quel qu’il soit, c’est un homme rouge, cheveux blonds et plats, gros ventre, brave et avide, sensuel et féroce, glouton et ricaneur, entouré de mauvaises gens, volant et violent, fort mal avec l’Église. Il faut dire aussi qu’il n’a pas si bon temps que le roi de France. Il a bien plus d’affaires ; il gouverne à coups de lance trois ou quatre peuples dont il n’entend pas la langue. Il faut qu’il contienne les Saxons par les Normands, les Normands par les Saxons, qu’il repousse aux montagnes Gallois et Écossais. Pendant ce temps-là, le roi de France peut de son fauteuil lui jouer plus d’un tour. Il est son suzerain d’abord ; il est fils aîné de l’Église, fils légitime ; l’autre est le bâtard, le fils de la violence. C’est Ismaël et Isaac" [...] . "Le roi de France a la loi pour lui" [...]. L’autre s’en moque ; il est fort, il est chicaneur, en sa qualité de Normand. Dans ce grand mystère du douzième siècle, le roi de France joue le personnage du bon Dieu, l’autre celui du Diable. Sa légende généalogique le fait remonter d’un côté à Robert-le-Diable, de l’autre à la fée Mélusine. « C’est l’usage dans notre famille, disait Richard Cœur-de-Lion, que les fils haïssent le père ; du diable nous venons, et nous retournons au diable» Patience, le roi du bon Dieu aura son tour. Il souffrira beaucoup sans doute ; il est né endurant : le roi d’Angleterre peut lui voler sa femme et ses provinces ; mais il recouvrera tout un matin. Les griffes lui poussent sous son hermine. Le saint homme de roi sera tout à l’heure Philippe-Auguste ou Philippe-le-Bel.
Il y a dans cette pâle et médiocre figure une force immense qui doit se développer. C’est le roi de l’Église et de la bourgeoisie, le roi du peuple et de la loi. En ce sens il a le droit divin. Sa force n’éclate pas par l’héroïsme ; il grandit d’une végétation puissante, d’une progression continue, lente et fatale comme la nature. Expression générale d’une diversité immense, symbole d’une nation tout entière, plus il la représente, plus il semble insignifiant. La personnalité est faible en lui ; c’est moins un homme qu’une idée ; être impersonnel, il vit dans l’universalité, dans le peuple, dans l’Église, fille du peuple ; c’est un personnage profondément catholique dans le sens étymologique du mot".
Précision inutile ; la guerre de cents ans a duré 116 ou 138 ans (exclues les trêves), selon que les références sont respectivement la victoire de Castillon en juillet 1453 ou le traité de Picquigny en août 1475 signé entre Édouard IV et Louis XI. L'accord est conclu sur l'île bien nommée de la Trève près d’Amiens.
Non seulement ce bout de parchemin met fin définitivement à la guerre entre les deux royaumes, mais il sonne la fin de l'alliance Anglo-Bourguignonne qui fragilisait le royaume des lys.
Désormais dans le conflit franco-bourguignon, Louis XI a repris la main contre son bouillonnant et brouillon adversaire, Charles Le Téméraire, duc de Bourgogne. Les temps du duc et de son duché qu'il rêvait d'ériger en royaume sont comptés !
Qu'importe ! quand le sablier de l'histoire est arrêté, il ne l'est que pour des dates ici ne valant que comme points de repères, le but étant de laisser l'internaute plonger dans un contexte historique se terminant par la bataille d'Azincourt.
Les racines de ce conflit Franco-Anglais sont antérieures à la crise successorale au trône de France. Cependant pour aller au plus court, cet article commence en 1328 par la crise dynastique survenue lors du décès du dernier Capétien direct, le dernier fils du roi Philippe le Bel.
Le 31 janvier 1328, Charles IV dit le Bel a la mauvaise idée de mourir sans héritier mâle. Deux mois après la reine accouchait d'une fille ne pouvant pas accéder au trône de par son sexe. C'est la fin de la branche aînée des Capétiens montés sur le trône depuis le sacre d'Hugues Capet en 987.
Les trois fils de Philippe le Bel, se sont succédés sur le trône, mais avec la mort de Charles IV, s'en est fini des frères dynastes.
Qui se souvient de la malédiction du Grand Maître du Temple, Jacques de Molay prononcé sur le bûcher où Philippe le Bel l'avait envoyé après un procès inique ?
"Pape Clément ! Chevalier Guillaume ! Roi Philippe ! Avant un an, je vous cite à paraître au tribunal de Dieu pour y recevoir votre juste châtiment ! Maudits ! Maudits ! Maudits ! tous maudits jusqu'à la treizième générations de vos races ".
Édouard III d'Angleterre petit fils de Philippe le Bel revendique alors ses droits à la couronne de France. En 1317 les Français ont écarté les femmes du trône, mais les fils de ces dernières peuvent-ils recevoir de leur mère une couronne ?
Pour les juristes Anglais, l'affaire est entendue. Isabelle de France, fille de Philippe le Bel a transmis à Édouard le fils né de son mariage avec Édouard II, la couronne de France. Également Charles II de Navarre dit le Mauvais réclame le trône, car sa mère Jeanne est fille de Louis X le Hutin, fils de Philippe le Bel.
Mais les pairs Français ont d'excellents légistes forts en arguties juridiques.
Considérant que "le royaume de France ne saurait tomber de lance en quenouille" ceux ci déterrent sous une pile de manuscrits poussiéreux la loi salique oubliée de tous et à l'encre à moitié effacée ; "interprétée" elle leur permet selon le principe de la "collatéralité masculine" d’appeler sur le trône un prince issu d'un lignage français. Neveu du défunt, Philippe de la maison de Valois rejeton de la branche cadette de la maison Capétienne sera couronné sous le nom de Philippe VI. Dès lors, les rois d'Angleterre (sans oublier un autre prétendant, le trublion Charles de Navarre, dit le Mauvais) n'ont de cessent de revendiquer par les armes la couronne de France.
Paradoxalement, la loi salique ne s’applique pas au droit féodal. Ainsi des fiefs peuvent-ils être transmis à des femmes : voici donc l'exception qui confirme la règle !
York : Dans la guerre, jamais lion ne fut plus furieusement terrible ; — dans la paix, jamais agneau ne fut plus docile et plus doux — que ce jeune et royal gentilhomme.
Richard II. William Shakespeare
Dans un premier temps les hostilités sont marquées pour le pays des lys par trois défaites.
Le 23 juin 1304, Édouard III triomphe des Français à la bataille navale de l’Écluse (port situé Pays-Bas). A cette tragédie où Philippe VI perd sa flotte et le contrôle de La Manche s'ajouteront deux autres désastres. "L'infortuné roi de France" voit l'Ost royal décimé à Crécy en 1346. Un an plus tard, après un très long siège, six bourgeois de Calais remettaient les clés de la ville à Édouard III. Dix ans après Crécy, Jean II "Le Bon", fils de Philippe VI à qui il a succédé est fait prisonnier à Poitiers.
Conduit à Londres, Jean II y mourra, après une très brève libération. Temps difficiles pour le jeune dauphin qui a 18 ans dans une atmosphère post-apocalyptique prend en mains les destinées du royaume. Un royaume sans roi, dépecé en partie par les Anglais, divisé et au trésor vide. Parmi un des épisodes les plus connus, celui qui l'oppose en tant que dauphin au Prévôt de Paris Étienne Marcel qui tente de contrôler la monarchie. Devenu roi sous le nom de Charles V, il laissera à son fils Charles VI un royaume fort et riche.
Charles V est un excellent politique, pragmatique et opportuniste. Alors même que sa position était celle du faible, il s’adapte aux changements tout en sachant se saisir des opportunités se présentant. Sa prudence, sa sagesse, ses réformes fiscales et administratives de fond contribueront au redressement du royaume. La réorganisation de l'armée à la tête de laquelle il place de valeureux capitaines comme Bertrand Du Guesclin chevalier adoubé à 15 ans, des choix stratégiques militaires avisées (par exemple le choix des escarmouches et le refus de grandes batailles comme celles de Crécy ou Poitiers) conjuguées à des alliances diplomatiques l'aident à reprendre aux Anglais tous les territoires perdus à l'exception de Bordeaux et sa région. Mieux, Il saura préserver et surtout pérenniser son autorité et sa présence dans les terres reconquises. Mais pour Jules Michelet "Ce qui servait Charles V mieux que Duguesclin, mieux que tout le monde, c'était la folie des Anglais, le vertige qui les poussait de faute en faute".
Pour Jacques Bainville "Dans ce triste quatorzième siècle, plein de fureurs et de folies, le règne de Charles V est une oasis de raison. Partout ailleurs, démences et révoltes".
L'accession au trône de Charles VI et Richard II qui succèdent respectivement à Charles V et Édouard III sont une nouvelle opportunité pour relancer des pourparlers de paix entre les deux adversaires.
"Vous avez ouy" qu'en 1384, entre France et Angleterre, tout va pour le mieux, et le conflit dynastique entre les souverains des deux royaumes ne durerait pas ...cents ans .
A l'initiative du Richard II d'Angleterre les trêves de Leulinghem (Pas-de-Calais) visent à rétablir la paix entre les deux adversaires et la Castille, alliée des Français.
Pourquoi Leulighem ? car sa simple église possède deux portes, ouvrant respectivement sur le comté de Guines, possession Anglaise et la seconde sur le comté de Boulogne en territoire Français.
En tout cas, si la lettre n'était pas toujours respectée, que la diplomatie souterraine conduisait à des alliances équivoques, que les aides militaires aux ennemis de l'ennemi menaçaient les trêves conclues comme l'appui en mai 1386 de l'amiral Français Jean de Vienne à Robert II roi des Écossais qui refusait de rendre hommage à Henri II d'Angleterre...à défaut de la lettre, l'esprit et l'intention y étaient ! La "Realpolitik" aussi. La bataille d'Otterburn en août 1388 où les Écossais infligèrent de lourdes pertes aux Anglais conduisit Richard II à signer un traité de paix avec le roi de France en juillet 1389. A défaut de paix durables, d'abandon des prétentions Anglaises à la couronne de France, les trêves permettaient "de souffler" entre deux expéditions et pour Richard II et Charles VI il était possible de construire à petits pas une paix durable.
Edmond : [...] et les guerres les plus justes sont, dans le feu de l’action, maudites, par ceux qui en subissent les
rigueurs.
Le roi Lear. William Shakespeare
Le 9 mars 1396, une trêve de 28 ans est signée à l'occasion des épousailles célébrées le 1er novembre suivant, entre Isabelle de Valois, âgée de 6 ans et fille de Charles VI et Henri II Plantagenêt. Henri rendait Brest au duc de Bretagne, vassal du roi de France et Cherbourg à Charles III de Navarre, autre grand feudataire inféodé pour ses domaines situés au pays des Lys au roi de France. Ce dernier versait à Isabelle une dote conséquente pour l'époque soit huit cent mille écus.
Hélas, le destin se jouant de l'histoire que les princes croient écrire, ces transactions diplomatiques réussies n'amèneront pas une paix immédiate entre les deux couronnes. L’ère était au pacifisme, mais le renversement de Richard par Henry de Bolingbroke futur Henry IV de la maison de Lancastre allait changer la donne.
Comme le souligne Bernard Guenée de l'Institut dans son étude consacrée à la folie de Charles VI , en Angleterre la fin brutale d'Henri II et l'arrivée d'Henri IV "ravivaient la vieille haine que se portaient les deux ennemis héréditaires".
Cependant la période de démêlées franco-anglaises, ponctuée de trêves font que la guerre n'a pas duré ...cents-ans !
Le soldat — Ah ! temps funestes, pour enfanter de tels
malheurs !
Henry VI. William Shakespeare.
En 1380, Charles V meurt à l'âge de 43 ans : ce grand roi dont le règne avait si mal commencé a restauré la puissance du royaume. Son fils Charles VI n'a que 10 ans en accédant au trône. Ses oncles, Louis, roi de Sicile et duc d'Anjou, Jean duc de Berry, et Philippe le Hardi duc de Bourgogne s'emparent âprement de la régence et se disputent furieusement entre eux. Des trois, c'est ce dernier qui a le plus de raisonnement et déjà pense à une continuité territoriale de ses États, de la Bourgogne aux Flandres. Un royaume en devenir ! Mais déjà Philippe va plus loin ; déjà il "soigne son image" auprès du peuple et de la bourgeoisie. Il leur apparaît notamment comme pondéré, libéral. réformateur, attaché aux privilèges des villes. Quand la lutte entre Bourguignons et Armagnacs éclatera au grand jour, le clan Bourguignon aura séduit nombre de partisans, et notamment les Parisiens.
Au final, Louis, Jean et Philippe comme larrons en foire s'entendent sur un but partagé. Avides, ils accaparent sans vergogne les biens du royaume pour renforcer leur situation personnelle et piller à leur profit respectif de son trésor. Leurs excès, leurs discordes ruinent l'économie et martyrise les sujets du roi. De nombreuses révoltes contre les impôts éclatent un peu partout dans le Languedoc, en Normandie, même à Paris. Elles sont écrasées avec la plus grande brutalité.
Michelet relève cette remarque du chroniqueur Froissard "L'on craignoit que toute gentillesse ne périt".
Mais le neveu de 10 ans finira par grandir. La majorité du roi avait été fixée par Charles V à 14 ans. Cependant, l'adolescent au premier jour de sa quatorzième année est incapable de se libérer de la tutelle familiale. Le temps passant, les abus de ses oncles, leurs comportements irresponsables l’agacent.
En 1386, il a 18 ans, sur les conseils de ses oncles, notamment du duc de Bourgogne, il réunit au port de l’Écluse (Sluys aujourd'hui aux Pays-Bas et proche de Bruges) une flotte dont l'équipement est évalué à trois millions, et une ost exceptionnelle pour envahir l'Angleterre.
Cette expédition unique en son genre grève le budget de l’État. Le chroniqueur Jean Froissard écrit " que les pauvres laboureurs qui avaient recueilli leurs grains n'en avaient que la paille. S'ils se plaignaient, ils étaient battus ou tués. Les viviers étaient pêchés, les maisons abattues pour faire du feu. Les Anglois, s'ils étaient venu n' y auraient pas fait plus de maux".
Charles VI arrivé sur place à la mi-septembre et prêt à embarquer. Il presse le duc de Berry de le rejoindre le plus rapidement possible. L'oncle du roi, sans grande excuse et malgré les injonctions royales pressantes diffère son départ. Pendant ce temps, les régions alentours sont ruinées par l'entretien forcé d'une telle machine de guerre. Vivres et fourrages manquent. Le duc de Berry, nullement gêné, n'arrivera au port de l’Écluse qu'à la fin novembre. Trop tard ! Le neveu reçoit froidement son oncle "sans vous, nous serions déjà en Angleterre". Cette remarque cinglante ne trouble nullement le duc de Berry. La mauvaise saison oblige le roi à reporter sa coûteuse invasion et renvoyer ses soldats. Une des explications avancées à l'attitude du duc de Berry est que ce dernier, comme son frère Bourgogne, pactisaient en secret avec les Anglais.
Salisbury. L'orgueil est parti le premier, l'ambition suit.
Tandis que ceux-là travaille à leur propre avancement,
Il nous incombe d’œuvrer pour le royaume.
Henry VI. William Shakespeare.
Louis d'Orléans, le jeune frère du roi a aussi grandit et commence à jouer un rôle de conseiller! il commence à encourager son frère à secouer la tutelle de ses encombrants oncles et de régner.
Le 3 novembre 1388, au retour d'une piteuse expédition contre le duc de Gueldre (expédition de Gueldre et Juliers) dans laquelle ses oncles l'ont entraîné malgré lui et qui sert uniquement les intérêts du duc de Bourgogne, Charles VI informe son Conseil de régence de sa volonté de gouverner seul, et remercie ses oncles. Surpris ces derniers tentent de conserver une parcelle de pouvoir, mais le roi soutenu par son jeune frère Louis d'Orléans tient ferme.
A 20 ans, il va s’appuyer sur les conseillers fidèles de son père que ses oncles avaient écartés : "Les Marmousets". En mai 1389 Charles VI les rappelle au gouvernement. Au service du roi, ils aident à la décision. Ils ne sont ni nobles, ni professionnels des intrigues de cour. Ce sont des techniciens et des conseillers indispensables à la chose publique. Chacun a sa spécialité. Ils sont juristes, experts en finances, en fiscalité, en économie... Concernant la politique extérieure, ils prônent la paix avec l'Angleterre
A la tête du royaume des lys, Charles VI s'annonce comme un grand prince. A la fleur de sa jeunesse, craint de ses oncles et des grands féodaux, aimé de ses sujets son règne annonce d'heureux auspices. Le roi est généreux nous dit le chroniqueur Juvénal "Où son père eût donné cent écus, il en donnait mille". Le prince ne tardera pas à faire connaître son désir de justice équitable. .
Un événement majeur va éclairer sur la détermination et l'influence que les Marmousets ont sur le roi. Le sacre de Louis II, duc d'Anjou. Louis II roi titulaire de Naples et de Sicile, comte de Provence sera couronné le 1er novembre de la même année à Avignon par Clément VII. Opportunité pour les Marmousets de jouer les trublions de service, de faire justice au nom du roi en s'attaquant au moins à un des oncles du roi.
Charles VI annonce qu'il sera présent et que cela sera l'occasion de rencontrer durant son déplacement certains de ses sujets. Ce que ne souligne pas le monarque, c'est qu'il a reçu une députation Languedocienne venu dénoncer les abus des officiers de son oncle le duc de Berry. Jean de Bétizac, lieutenant général du Languedoc, l'homme fort de la région et ses sbires ont poussé plus de 10 000 Montpelliérains à fuir en Aragon.
Le 2 septembre, avant d'entreprendre son voyage, Charles VI se rend à l'abbaye royale de Saint-Denis. Il se recueille sur les tombeaux de Saint-Denis, saint
tutélaire du royaume et de ses deux compagnons martyrs, le diacre Eleuthère, et le prêtre Rustique, pour placer son périple sous leur protection. Après
avoir traversé Montargis, La Charité, Nevers, Clermont, Dijon, Lyon, Vienne dans une liesse populaire fervente, le roi finit par arriver à Avignon, où il resta 3 jours, le temps de la cérémonie
et d'échanges diplomatiques avec le pape. Cette visite s’inscrit sur une crise de fond : le grand schisme.
Le 3 novembre, le souverain quitte la capitale papale et à Villeneuve invite le duc de Berry à le laisser seul poursuivre sa route vers Montpellier. Pour diminuer l'outrage qu'il se prépare à infliger, il renvoie également le duc de Bourgogne.
Georges : L'échec est notre sort ; sûr est le désespoir
Henri VI. William Shakespeare
Le 8 novembre 1389, le roi entre à Montpellier. A quelques jours près, la date anniversaire de sa prise de pouvoir ! Une nouvelle fois, il reçoit les plaintes de son peuple qui charge Jean de Bétizac, homme avide, cruel, sans pitié, agissant pour le compte de son oncle, le duc de Berry. Certain de la protection de ce dernier, mais probablement un peu inquiet, Bétizac se présenta devant le roi. De la rencontre avec ce dernier, rien de fâcheux n'est survenu. Aussi par stratégie, quand le souverain quitte la ville, il suit sa Cour pour renforcer ses amitiés parmi les proches du roi et ainsi affermir sa position.
A Béziers où le roi fait étape, Bétizac y est emprisonné. Dans toute la province, se fut une immense clameur de joie. Le procès s’annonça complexe, en raison de l'ombre du duc de Berry. Belizac avait levé sur la province trois millions, sans commission royale. Sans se démonter, le duc de Berry confirmera la défense de son affidé qui pouvait tout prouver : Bétizac n'avait fait qu’exécuter ses ordres. Cet appui sans faille probablement a pris de court le roi. Dès lors, le procès de Bétizac relatives aux malversations était celui du duc de Berry. Impossible ! les enquêteurs du roi devait trouver autre chose, donc la faille qui conduirait à la condamnation de l'ancien lieutenant général du Languedoc, tout en épargnant l'honneur de son oncle.
De Béziers le roi se transporta à Narbonne, puis Carcassonne. C'est à Toulouse où le roi s'était ensuite rendu que des éléments nouveaux relançaient le procès de Belizac. Oudart d'Artinville, bailly de Toulouse avait condamné au bûcher un jeune sodomite. Ce dernier avait mis en cause Belizac qui avait réussi à étouffer l’affaire, en envoyant notamment le bailly en prison sous des faux prétextes, des fausses preuves, des faux témoins. Du fond de sa geôle, l'officier du roi criait son innocence et sollicitait du monarque la révision de son procès. Enquête et justice furent conduites promptement pour prendre de court le duc de Berry. Il fut pendu le 22 décembre et son corps brûlé pour cause de sodomie et d’hérésie.
D'autres sources prétendent qu'un faux ami de l'accusé proposa à Belizac de s'accuser d'hérésie pour que son procès fut renvoyer devant une cour ecclésiastique à Avignon. Là le duc de Berry avait une influence telle qu'il serai jugé et libéré. Ce dernier artifice juridique auquel se prêta Jean de Belizac ne lui sauva pas la vie.
Au final, le duc de Berry se vit retirer le gouvernement du Languedoc. Humilié, il jura de se venger. Brouillon, inconstant, faible, il excella dans une revanche constituée d'actions sans éclats centrée comme d'habitude sur la préservation de ses intérêts financiers.
L'historien Michelet tempère fortement l'image de ce roi presque parfait que le peuple qualifie de "Bien Aimé".
Il se jeta en furieux dans les fêtes, fit rude guerre aux finances, prodiguant en jeune homme, donnant en roi. Son bon cœur était une calamité publique".
La grande bataille mentionnée par Jules Michel est celle de Roosebeke, en Flandres. C'est une révolte antifiscale dont le jeune roi de 14 ans triomphe. Sur le chemin de retour, il s'illustre par sa cruauté en faisant brûler la ville Flamande de Courtrais au prétexte qu'elle commémorait un épisode vieux de 80 ans : la défaite Française de Courtrais.
Edmond : Au secours ! holà ! au meurtre ! au secours !
Le roi Lear. William Shakespeare.
Aumerle [...] J'affirme que tu mens,
Et prouverai la fausseté de tes paroles
Dans le sang de ton cœur, encore qu'il soit trop vil
Pour souiller la trempe de mon épée de chevalier.
Richard II. William Shakespeare.
La folie chez les grands ne doit pas rester sans surveillance. Hamlet. William Shakespeare.
Les principaux chroniqueurs, Michel Pintouin dit Le Religieux de Saint-Denis, Jean Froissard et Juvénal des Ursins, chacun selon son style et sa personnalité, donnent des détails en lien avec la gravité de l’événement à suivre. Des trois, seul le Religieux de Saint Denis était présent.
Lear : Est-ce que je suis en France ?
Kent : Dans votre propre royaume, sire.
Lear : Ne m’abusez pas.
Le roi Lear. William Shakespeare.
Macbeth : Je me repends de ma fureur - Que je les aie tués.
William Shakespeare. Macbeth
Macduff : Je ne suis pas un traître.
Macbeth. William Shakespeare.
Le Philippe" sans terre" Français, le plus jeune fils du roi Jean II reçoit de son père en apanage le duché de Bourgogne. La politique de l'apanage avait ses points forts et ses points faibles. Parmi ces derniers, la folle tentative pour le bénéficiaire de se constituer un État indépendant de la couronne de France, alors qu'a moyen ou long terme, les terres octroyées devaient retourner à la couronne des lys à défaut d'héritiers mâles. De cet ensemble disparate et éparpillé de terres, fiefs, seigneuries, châtelleries sur lesquels l'autorité royale est très théorique, la politique ducale visera à dessiner des frontières et une continuité territoriale jusqu'à imaginer ressusciter la mythique Lotharingie. Pour cela la politique matrimoniale est l'arme principale des ducs ...mais pas que ! Le mariage de Philippe avec Marguerite de Flandres fait entrer la très riche Flandre dans l'héritage Bourguignon, ainsi que l'Artois et les comtés de Nevers et Rethel.
Cet article n'aborde pas la construction de l’État Bourguignon, les politiques de plus en plus indépendantistes des ducs, mais seulement à donner très brièvement et
sans les nuances qui s'imposeraient, le contexte historique qui profitera à l'agression d'Henry V.
Le principat du 1er duc est marqué par des liens forts avec la France et ce grand feudataire conseille à son neveu le roi Charles VI une politique d'apaisement Franco-Anglaise dans l'intérêt des deux royaumes. Son fils qui lui succède, Jean Sans Peur, contrairement à son père parle Flamand. C'est dire qu'il est à moitié de Flandre et de France. Mais il est avant tout de Bourgogne et les intérêts Burgundo-Flamands priment pour lui sur toute autre considération.
Alors que la guerre de cents ans oppose Français et Anglais, la riche industrie textile de Flandres a besoin de la laine Anglaise pour se développer et les échanges commerciaux de part et d'autre de la Manche se réalisaient dans un climat apaisé. Jean Sans Peur, comme son père avant lui, adhère à cette coopération et favorise cette économie Anglo-Flamande dont il tire des espèces sonnantes et trébuchantes dont il manque toujours. Ces relations économiques sont renforcées par des échanges politiques et diplomatiques Anglo-Bourguignons...de plus en plus suspects !
Meurtrier 2 : Nous accomplirons Monseigneur,
Ce que vous ordonnerez.
Macbeth. William Shakespeare.
La maladie de Charles VI conduit son jeune frère Louis d'Orléans à s'imposer au sein du conseil royal. Outre le fait que le duc et son cousin ne s'aiment pas, leurs intérêts sont divergents sur bien des sujets, comme sur le fait que Louis d'Orléans n'envisage pas de paix avec l'Angleterre. Le 23 novembre 1407, les relations haineuses entre les deux rivaux aboutissent à l'assassinat de nuit à Paris par des coupe-jarrets du duc d’Orléans. L'enquête menée rondement par le professionnel et responsable prévôt de Paris Guillaume de Tignonville conduit au coupable "le duc Jean de Bourgoingne, qui avoit faict faire ceste besongne".
Jean Sans Peur utilisant une habile argumentation fallacieuse contre le frère du roi qu'il accuse notamment d'avoir voulu usurper la couronne, tout en montrant
la force armée Bourguignonne installée dans Paris, obtient le pardon royal. Tout semble rentrer dans l'ordre et le courageux Guillaume de Tignonville désavoué et humilié est remplacé par un
prévôt à la solde du duc, Pierre des Essarts. Mais le meurtre a laissé des traces et induit une première guerre civile entre les deux factions. En 1415, année d'Azincourt, la paix était revenue
mais le contentieux entre les deux factions était loin d'être clos.
Richard : Mon bon oncle, qu'en ce début s'arrête ce conflit.
Richard II. William Shakespeare.
2 - Angleterre
La situation chez le voisin Anglais n'est pas meilleure.
En 1377, Richard II Plantagenêt, dit "de Bordeaux" (son lieu de naissance) succède à la mort de son grand-père Édouard III, au trône d'Angleterre. Il est le fils d'Édouard Plantagenêt, plus connu sous le nom de Prince Noir, décédé en 1376. Richard II l n'ayant que 10 ans, un conseil de régence dominé par son oncle Jean de Gand, duc de Lancastre est mis en place. Au sein du conseil, siègent les deux autres oncles de Richard II, Le duc d’York, et Thomas de Woodstock duc de Glocester. Ce dernier, après son frère Jean de Gand, dirigera le conseil de régence.
Situation quasiment similaire pour Charles VI et Richard II. Ils ont presque le même âge, et sont sous la tutelle d'oncles cupides. Dans la "Revue des deux Mondes" parue en 1830 (Tome 3 - Mort de Richard II - Chronique de 1400) le baron François-Jérôme-Léonard de Mortemart-Boisse note "Il est remarquable de rencontrer aussi une espèce d’analogie chez ces mêmes hommes. Le duc de Lancastre, régent d’Angleterre, avait la hauteur et l’avidité du duc d’Anjou, régent de France. Le duc d’York avait l’indolence du duc de Berry, et le duc de Glocester ressemblait au duc de Bourgogne par son audace et sa turbulence" .
Majeur en 1389, Richard II s'affranchit de l'autorité de ses oncles en s'appuyant sur des favoris. Mais alors qu'il mène une politique de
trêves visant à la paix avec l'ennemi Français, sa politique intérieure tyrannique qui n'admet aucune contradiction le rend rapidement impopulaire dans toutes les classes sociales.
Le duc de Gloucester qui a le tord d'afficher haut et fort une opinion favorable à la guerre contre la France qui se concrétiserait par une trêve de 25 ans est exécuté en en 1397.
Richard : [...] et me voilà redevenu roi : mais immédiatement —je songe que je suis détrôné par Bolingbroke, — et aussitôt je ne suis plus rien. Mais quoi que je sois, — ni pour moi, ni pour aucun homme de cette humanité, — il ne saurait y avoir de satisfaction avant ce soulagement suprême, — l’anéantissement.
Richard II. William Shakespare.
Deux ans plus tard, quand son oncle Jean de Gand meurt, Richard II dépouille son fils Henri Bolingbroke (futur Henry IV) exilé depuis 1396.
Ce dernier fils de Jean duc de Lancastre (troisième fils de Edouard III) assuré d'alliances solides profite de l’absence de Richard II parti en Irlande avec la quasi totalité de ses troupes fidèles pour mater une révolte, pour débarquer en Angleterre. Un mois plus tard, jour pour jour, le 25 juillet 1399, Henri II retrouve le sol de son royaume. Trop tard, Henri Bolingbroke, titré également comte de Derby et duc d’Hereford tient le pays ! Revenu officiellement récupérer son héritage, il oblige le roi à abdiquer. Ce renoncement au trône enregistré par le parlement le 30 septembre suivant devrait profiter à l'héritier présomptif de la Couronne, un jeune garçon de 6 ans, Edmond Mortimer, 5ème comte de March. A ce descendant d’Édouard III ayant plus de droit au trône qu'Henri Bolingbroke, le parlement choisi ce dernier comme souverain.
Le 13 octobre 1399, âgé de 33 ans, Henri est couronné en l'abbaye de Westminster à Londres. Symboliquement le jour de la cérémonie correspond à
l'anniversaire de la translation à l’abbaye de Westminster du corps de son fondateur, Édouard le Confesseur en 1269. Après avoir acquis la confiance du Parlement, habile politique il devait
renforcer celle de l’Église. Aussi, lors de la cérémonie Il est oint d'une huile sacrée que la Sainte Vierge Marie aurait remis à saint Thomas de
Canterbery (Thomas Becket) pendant son exil en France, en lui expliquant que le roi qui en serait consacré par le rite
de l'onction serait le champion légitime et le vrai défenseur de l’Église. Ensuite la sainte huile arrivée dans les mains d'un saint ermite fut remise par ce dernier à Henry de Lancastre
petit-fils d'Henry III Plantagenêt (de la Première maison de Lancastre). Henry de Lancastre l'offre ensuite à Édouard Plantagenêt, dit le Prince Noir pour son couronnement lorsque son père
Édouard III rendrait l’âme. Mais le père mourant avant le fils, la précieuse fiole contenant la sainte huile est oubliée dans le trésor royal. Richard II, fils du prince noir la découvrant après
son sacre pense à un nouveau couronnement mais l’Église lui refuse pour motif de tradition un second sacre. En fait, seul Henry IV de Lancastre a par choix divins mérité l'onction
sainte.
Beaucoup en Angleterre considère Henri Bolingbroke devenu Henri IV comme "usurpeur" de la couronne
du roi Richard II, et "machineur de la piteuse mort" de ce dernier au château de Pontefract.
A la suite du sacre, le nouveau souverain titre son fils de 13 ans, prince de Galles, duc de Cornouailles et comte de Chester. Est-ce pour ménager les Français qu'il ne lui donne pas le titre de duc de Guyenne, que le troisième dauphin porte ? !
En France, Charles VI est peu sensible à ce qui pourrait-être un geste diplomatique et encore moins
impressionné par l'onction mystique d'Henry IV avec la soi-disante huile. Pftttt ! A Reims, lors du sacre, au Saint-Chrême du sacre est ajouté une huile sacrée apportée par une colombe pour
le baptême de Clovis. Vu de Paris, le sacre d'Henry IV est une parodie à visée politique et la diplomatie Française dénie au Lancastre le droit de s’asseoir sur la King
Edward's Chair (chaise du couronnement).
Dans tous les cas, la chute de Richard II enterre les espoirs de paix initiés des deux côtés de la Manche. Pour Jules Michelet "Le gendre du roi
avait péri, et avec lui l'alliance anglaise et la sécurité de la France".
Le nouveau roi tout occupé à écraser des rebellions intérieures, tout en se proclamant roi de France, ne sera pas une réelle menace pour le royaume des lys. Parmi les rebellions, à citer celle des Écossais et celle du baron gallois Owen Glendower qui fort du soutient financier et militaire des Français s'est proclamé prince de Galles.
Également celle de famille Percy, alliée à Owen Glendower, défaite le 21 juillet 1403 par Henry IV à la bataille de Shrewsbury. Son fils Henri de Monmouth, le futur Henry V alors prince de Galles, s'y illustrera à l'âge de 16 ans. Lors des combats, il survécu aux combat alors qu'une flèche l'avait atteint mortellement au visage, côté droit. La science et l'art du chirurgien John Bradmore vinrent à bout d'une flèche qui après avoir traversé la joue du prince, passé près de l’œil, avait fini sa course enfoncée profondément dans le crâne. On dit que c'est à cette occasion que John Bradmore inventa un instrument de chirurgie révolutionnaire capable de retirer un flèche dont la hampe en bois aurait été cassée. Cette blessure ayant laissé une cicatrice mutilatrice, les portraits du roi présentent son profil droit.
Henri IV luttera contre un mouvement religieux qui troublera l'ordre social et politique de son royaume. Le mouvement des lollards. Dès lors il est assimilé à une hérésie. La loi "De haeretico comburendo" qui vise à éradiquer ce mouvement religieux qu' comme un déviationnisme religieux. On notera que le théologien John Wyclif, qui a inspiré le mouvement des Lollards avait bénéficié du soutien du père du roi, Jean de Gand ou Jean de Lancastre. Alors que John Cliff remettait en cause certains fondamentaux de l'église officielle, Gaultier Lollard ira plus loin en développant la doctrine en prônant l'égalité sociale pour tous.
Quand Henri IV s’éteint en mars 1413, son fils avec lequel il entretient de très mauvaises relations dirige déjà le royaume d'Angleterre.
Le fils succède donc au père, mais l'avenir des Lancastre sur un trône usurpé reste encore à confirmer. Henry V n'est que le second souverain de la dynastie régnante, depuis le "le trespas du
roy Henry son père, qui piteusement fist morir le roy Richart, son cousin, et prist et usurpa son royaulme d'Angleterre, et s'en fist couronner roy avant la mort d'icelluy roy Richart".
Cette tâche criminelle le fils va brillamment l'effacer dans une geste épique : Azincourt. Henri IV avait ravie la couronne d'un roi légitime ; à Agincourt, son fils
triomphant des Français gagnera par la volonté divine une couronne de gloire !
Le sceptre en main l'affaiblissement du royaume de France n'avait pas échappé au jeune roi d'Angleterre, duc de Normandie, et prétendant au trône de France. Affamée de gloire, bouillant d'énergie, ambitieux, et sur de lui, Lancastre va exploiter les "noises et discordes" affaiblissant son voisin Français. Henry V précédé d'une réputation indéniable de vaillance et de stratège, rompant la trêve de 28 ans conclue en 1396 entre Richard II Plantagenet et Charles VI décide d'une expédition armée en Normandie.
Pressé d'en découdre, le nouveau souverain ne s’affranchit pas pour autant des règles de la diplomatie. Aussi, en août 1414 il dépêché en France des émissaires revendiquant son héritage, à savoir la Normandie et la Guyenne, ainsi que la main de Catherine de Valois, fille du roi Charles VI...sans oublier une dote valant son pesant d'or.
Une délégation Anglaise forte de plus de 100 personnes venue à Paris en tout début d'année 1415 pour discuter du mariage et des autres exigences de leur roi se solde par un échec. Henry qui veut la fille du roi Charles VI, exige la Normandie, sans pour autant abandonner ses prétentions à la couronne de France. Ses agents diplomatiques n'ayant pas eu mandat pour arrêter des clauses consensuelles entre les parties, et les exigences Anglaises ne pouvant pas être totalement satisfaites, les négociateurs Anglais quittent Paris.
L’intransigeance d'Henry connue en France, s'accompagnant de troupes et de navires qui se rassemblaient, Paris tente de sauver la paix.
Henry : — Introduisez les messagers envoyés par le Dauphin.
Au mois de juin une ambassade, faussement réclamée urgemment par Henry qui feint aimer la paix, débarque en Angleterre. Placée sous l'autorité de Guillaume Bouratier, archevêque de Bourges, elle compte notamment parmi ses membres, le prélat Pierre Fresnel, Louis de Bourbon comte de Vendôme, les seigneurs Guillaume de Braquemont et Charles d’Ivry, maître Gautier Col le "principal" (secretarium sollempnioren - secrétaire solennel) secrétaire du roi, et maître Jean Andrieu...et bien d'autres. Le roi d’Angleterre exige beaucoup : la Normandie et tous les territoires cédés par la paix de Brétigny. Mee si les Français ne cèdent pas la Normandie, globalement les exigences Anglaises sont satisfaites.
La France offre la cession de 15 villes et moult domaines en Aquitaine, et ajoute la sénéchaussée de Limoges. La dote de Catherine de Valois que versera Charles VI est fixée à 400 000 écus d'or, plus des joyaux.
Mais Henry veut la guerre. Aussi, augmente t-il ses exigences pour ne pas en porter devant son peuple la responsabilité. 100 000 écus de plus et plus de villes ! les Français cèdent. Nouvelle revendication : le mariage doit avoir lieu immédiatement et le versement de la dote et les villes exigées remises à la Saint-André ! Délais trop court ! Les Français sont excédés devant une mauvaise foi évidente. Henry ne veut pas la paix et saisit mille prétextes pour passer à l'offensive. Implicitement il déclare les hostilités en qualifiant Charles VI d'adversaire et dit que s'il le pouvait, "lui ôterait la couronne du dit royaume".
Les négociateurs de Charles VI prirent acte et rentrèrent en France, non sans avoir dit au roi d'Angleterre ce qu'ils pensaient de ses manigances ayant pour objectif l'invasion de la France.
Côté Anglais, il est assuré que lors d'un séjour au château de Kenilworth où Henry aimait se retirer pour s'y reposer, les ambassadeurs Français lui auraient offert de balles de tennis, message offensant, car indiquant qu'Henry n'avait comme seule activité que le jeu.
Curieuse histoire, quand on sait que c'est Charles d'Orléans, prince de sang, que nous retrouverons plus tard à la bataille d'Azincourt, qui a introduit en Angleterre, le jeu de paume, l'ancêtre du tennis. L'ambassade Française a eu lieu en juin 1515, et Charles d'Orléans, défait à Azincourt est ramené prisonnier en Angleterre en octobre 1515 ; cherchez l'erreur ! Dans tous les cas, William Shakespeare s’empare de l’anecdote pour la placer dans sa pièce dédié au roi Henry V.
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