Antéchronologie

Château de Blois. Source Sylve Valentin.
Château de Blois. Source Sylve Valentin.

Le 29 mai 1418, alors que le royaume des lys est plongé  dans les malheurs de la guerre de Cent Ans, que les calamités se succèdent et que le pays s'enfonce dans les ténèbres, le dauphin Charles âgé de 15 ans sautant en selle fuit la capitale,  cravachant ferme et à franc étrier pour se  réfugier à Bourges. Du Val de Loire aux mains de ses alliés, l'hoir royal se déclare régent de France, Charles VI le roi son père étant par intermittence fou et la régence confiée à un conseil royal dévoué aux Anglais. Le 21 mai 1420, la France et l'Angleterre signent le  traité de Troyes. Le texte stipulait deux dispositions essentielles qui dépossédaient le dauphin et imposées par le tactique Henri V d'Angleterre, de la Maison de Lancastre.

 

D'une part, à la mort de Charles VI, Henri V lui succèdera. D'autre part, pour renforcer la légitimité de l'Anglais à monter sur le trône de France (à la place du fils légitime du roi de France), Charles VI donne en épousailles au roi d'Angleterre, sa fille Catherine de Valois. Autant dire que le royaume était la dote que Catherine apportait au roi d’Angleterre. Après cette belle opération, Henri V obtient plus : il est nommé régent de France.

 

Le 6 décembre 1420, les États généraux enregistrent sans état d’âme le traité de Troyes : la France voulait la paix et en avait assez de payer des impôts destinés à la poursuite des hostilités !

 

Octobre 1422 - février 1429, l'adolescent est devenu un homme. En octobre 1422 il apprend au château d'Espalli (près du Puy en Velay) la mort de son père. Dès lors, il change son statut de dauphin en celui de roi de France, et se rendant à Poitiers où il a installé sa capitale provisoire il s'y fait couronner roi de France, même s'il ne règne que sur la moitié d'une dépouille du royaume (Auvergne, Berry, Bourbonnais, Dauphiné, Languedoc, Orléanais, Poitou, Touraine ; une partie de l'Anjou et du Maine reconnaisse son autorité).

 

Ses ennemis par dérision le surnomment encore "Le roi de Bourges". Février 1429, c'est le temps du miracle, avec l'apparition d'une envoyée de Dieu âgée de 17 ans  : Jeanne d'Arc, l'envoyée céleste venue "réveiller" le prince pusillanime tombé si bas qu'il se contentait d'un bout de son royaume.

 

L'élue aidée du ciel arrive à conduire le timoré souverain à Reims, où sacré roi nul ne lui contestera son titre de Charles VII, roi de France. Et à ce titre, ses contemporains préféreront celui de Charles le Victorieux, surnom bien mérité notamment après la bataille de Castillon en juillet 1453 qui oblige les Anglais à évacuer le duché de Guyenne. Désormais seule Calais reste anglaise.

 

Les années et règnes suivant, les Anglais sont boutés hors du royaume. Les temps funestes passés, la paix civile acquise, l'autorité royale et l'économie restaurées, la Renaissance venue, les monarques ne regagnent pas pour autant Paris...jusqu'en 1528.

 

Jusqu'en 1528 où tout va changer, du moins symboliquement. Alors que la Loire suit son cours comme un long fleuve tranquille, l'onde caressant les courbes frémissantes des iles, la Cour dans d'aimables fugues en Anjou, Orléanais, Touraine, suit son prince musardant de château en château. Seules quelques guerres en Italie viennent rompre la douce routine, jusqu'à ce grand donneur de leçon de François 1er en reçoive une belle à Pavie. En 1525, tout auréolé de la gloire des armes acquise à Marignan, le roi chevalier est allé tout perdre à Pavie. Une défaite qui le livre à son adversaire Charles-Quint.

 

En 1528, François 1er fraichement libéré par Charles-Quint et qui a beaucoup à se faire pardonner (le versement d'une rançon exorbitante, la vente du trésor royal, la livraison de ses deux fils à Charles Quint comme otages) installe symboliquement le pouvoir royal à Paris. De quoi satisfaire les Parisiens. Le Louvre  devient la "résidence ordinaire" du souverain qui renoue pour des motifs politiques le lien entre la capitale et son roi.

 

François est un roi urbain.

 

Aussi a-t-il envoyé porcs, truies, verrats, gorets fouir du groin loin de Paris, ordonné que le cheptel domestique soit élevé en dehors de l'aire urbaine. Dans cette dynamique de M.Propre, le roi crée la corporation des égoutiers parisiens, et prit bien d'autres mesures radicales  visant à réduire les diverses pollutions. Malgré tous ses efforts, la capitale connait des problèmes de salubrité qui effraient les personnes délicates, comme sa mère Louise de Savoie qui  a tenu le royaume dans deux mains de fer, quand François était hébergé dans les loges de Charles-Quint, après la défaite de Pavie, en 1525. Si ce dernier a libéré François, cela a été à la condition qu'il laisse échange de sa liberté, ses deux jeunes fils otages en Espagne, dans l'attente que le roi de France respecte ses engagements qu'il s'est engagé à honorer dans le cadre du traité de Madrid.

 

Pour loger la souffrante Louise qui ne supporte pas le cloaque parisien, le fils aimant et reconnaissant offre à sa possessive génitrice une maison de campagne connue comme "Le domaine des cloches". Construite extra-muros derrière l'enceinte de Charles V, à environ 450 mètres du Louvre, la demeure de Louise est située dans un lieu dit "Les Thuileries". C'est un cadre salubre et plaisant, aéré,  loin des nuisances olfactives et sonores de la ville.

 

En fermant les yeux à une des fenêtres du domaine des Cloches, en humant le bon air des Tuileries qui sent bon l'herbe grasse, Louise pourrait imaginer retrouver son verdoyant Val de Loire et le temps où elle comptait avec plaisirs les enfants mâles morts du cousin Louis XII, dont les décès rapprochaient son cher François du trône.

 

Mais les trilles de moineaux l'ont dérangée dans sa douce rêverie.

 

Agacée, elle ouvre les yeux : c'est vrai qu'elle a souri intérieurement en regardant les petits cercueils prendre le chemin de la nécropole royale, mais de là oser l'accuser d’assassinat, quelle monstruosité !

 

Meurtrière ou pas, Louise a certainement arpenté bon pied et bon œil son domaine des Cloches, où la santé lui était revenue.

 

Henri II qui succède à son père François 1er, sans délaisser le Louvre dont il poursuit activement les aménagements importants initiés par François, logera souvent  quand il résidera à Paris, à l’Hôtel des Tournelles, non loin du palais de sa favorite, Diane de Poitiers.

 

En 1559, quand Henri II meurt accidentellement à l’Hôtel des Tournelles, sa veuve Catherine de Médicis revient avec le nouveau roi François II, âgé de 15 ans, et la famille royale au château du Louvre. 

 

Sans s'éloigner du centre du pouvoir, Catherine qui est devenue la "Royne mere du Roy", décide la construction de sa propre résidence.

 

Seul le site des Tuileries répond à ses besoins : proche du Louvre, il concentre à peine quelques habitants et encore moins d'activités. Peu de propriétaires à exproprier dans cette zone rurale qui est assez vaste pour l’acquisition de nombreux terrains à prix peu prohibitifs.

 

C'est pour Catherine une excellente affaire qui lui permet  à moindre coût de bénéficier d'une superficie considérable pour y planter un jardin étendu et extraordinaire, attenant à un palais spacieux. Mais ce palais est une chimère ! Le plan original dressé par le maître d'œuvre Philibert de Lorme, ne sera jamais réalisé en totalité. 

 

Si elle avait été finalisée, la résidence aurait couvert au sol une superficie globalement dix fois supérieure à celle occupée au sol à l'époque par le Louvre, résidence ordinaire du roi.

 

Pour cette folie, Catherine sollicite les artistes les plus renommés de son temps.

 

En cette période incertaine où le pouvoir royal vacille, dans l'esprit de la veuve d'Henri II, une réalisation prestigieuse rehaussera l'aura de la dynastie des Valois. Catherine est une Médicis, lignée pour laquelle la magnificence d'une réalisation artistique est au service de la politique. Il entre probablement aussi dans ses objectifs de transmettre à une postérité émerveillée un chef-d'œuvre architectural auquel son nom serait lié. C'est ainsi qu'est décidée la construction du palais des Tuileries, alors même que le trésor royal est vide.

 

Le 12 juillet 1564, pose de la première pierre de l'Hôtellerie royale des Thuileries - lez- Paris.

 

Sous le règne des trois fils de Catherine, le royaume s'enfonce dans les guerres de religion et les Tuileries sont abandonnées.

 

C'est le huguenot Henri IV, qui convertit au catholicisme, met fin à cet affrontement politico-religieux. En 1594, Paris ouvre ses portes à Henri IV. Le nouveau souverain établit sa dynastie symboliquement au Louvre.

 

Comme Catherine, le Béarnais assoit le symbole du pouvoir dans la pierre. Henri IV initie le "Grand Dessein". Ce projet qui consistait à réunir le château du Louvre au palais des Tuileries a nécessité d'une part le prolongement  de ce dernier vers la Seine et la construction d'une longue galerie, qui  parallèle au fleuve reliait le Louvre aux Tuileries.

 

Henri IV aime particulièrement le jardin des Tuileries, où il apporte de nombreux changements. Préoccupé d'économie, Il y fait planter 15.000 mûriers blancs et installer une magnanerie, les vers à soie pouvant "rapporter gros".

 

Le vendredi 14 mai 1610, la journée s'annonce belle. Le roi regagnant le Louvre traverse à pied le jardin des Tuileries est d'humeur sombre.

 

Il est approximativement 10h00, quand sur le chemin de  retour, il soupire en se tournant vers le maréchal de Bassompierre qui l'accompagne :

 

«Mon ami, il faut quitter tout cela !»

 

Six heures plus tard Ravaillac tuait le roi, non loin du Louvre, rue de  la Féronerie, en face d'une taverne dite "Cœur couronné percé d’une flèche". Curieux assassinat annoncé un peu partout bien en amont, alors que le roi vaquait normalement à ses activités à Paris.

 

Voici un résumé des trois "chroniques" liées à ce chapitre intitulé "XVI et anté- chronologie". Vous l'avez compris : votre lecture de la Renaissance vous conduira au Moyen-Age, et du Moyen-Age à la Renaissance.

 

On terminera avec la mort d'Henri IV, qui pourra vous conduire à consulter un dossier thématique intitulé "L'Au-delà des rois". Il s’agit d'articles traitant du cérémonial funéraire propre aux rois de France, en usage jusqu'à la mort d'Henri IV. Le challenge pour les juristes royaux ayant été, dans une symbolique complexe, de différencier le corps personnel et le corps politique du roi.

 

Bonne escapade historique !