Jardin des Tuileries et palais projeté par Catherine. Dessin de Gilles Brémond d'après une source historique. Plan d'Androuet Du Cerceau
Jardin des Tuileries et palais projeté par Catherine. Dessin de Gilles Brémond d'après une source historique. Plan d'Androuet Du Cerceau

      Icy de cent couleurs s'esmaille la prairie,

Icy la tendre vigne aux ormeaux se marie,

icy l'ombrage frais va les fueilles mouvant

Errantes ça et là sous l'haleine du vent ;

Icy de pré en pré les soigneuses avettes

vont baisant et sucçant les odeurs des fleurettes ;

[...]

Les Eglogues. Pierre Ronsard.

L’Éden terrestre de Catherine de Médicis

Hotel des tournelles vers 1550.Souce Wikipedia.Auteur Licorne.
Hotel des tournelles vers 1550.Souce Wikipedia.Auteur Licorne.

En 1564, Catherine de Médicis s'implique personnellement dans la création de ce qui va devenir le jardin des Tuileries, indissociable de la résidence qu'elle à décidé de bâtir à 500 mètres environ du Louvre.

 

Petit retour en arrière. Sous la protection de La Bastille, l'hôtel des Tournelles était un vaste complexe où résidait la famille royale qui avait délaissé le palais royal Saint Pol sous le règne de Charles VII.

 

L' hôtel des Tournelles, immense ensemble  comprenait plusieurs bâtisses.  Le domaine était assez étendu pour qu'y trouvent place, entre autres, un espace dédié aux sports équestres, deux parcs arborés, des jardins d’agrément aux mille senteurs. On y trouvait également des vignes, des plantations potagères...

 

Lorsque Catherine en décide la destruction après le décès de son époux qui y a rendu l'âme, elle installe le tout jeune roi âgé de 15 ans et déjà malade (il mourra un an après son accession au trône) au Louvre.

 

En 1564, Catherine de Médicis décide la construction de sa propre résidence : le palais des Tuileries, demeure d'un style Renaissance, à l'ouest du Louvre, et proche de ce dernier.

 

Si le plan du maître d'œuvre avait été finalisé, "le  logis" de "la mère du roy" aurait couvert au sol une superficie globalement de 45 000 m², soit une surface dix fois supérieure à celle occupée au sol par le Louvre, "résidence ordinaire" du roi.

 

Un souverain reçu aux Tuileries parachevées aurait eu le sentiment d'entrer dans un Relais & Châteaux comparé au Louvre qui aurait fait figure de vieille bastide rafistolée...même si François 1er pour en faire sa "demourance" y avait entrepris des travaux remarquables conduits par Pierre Lescot. Très clairement le palais projeté par Catherine pouvait rivaliser avec Le Louvre. 

 

Philibert de L'orme à qui les travaux du château sont confiés dessine face au palais (côté Ouest) un jardin d’agrément à l’italienne. 

 

Le Louvre ne possédait pas de jardin. Aussi, le jardin des tuileries sera un espace dédié, entre autres, à la vie de la Cour des Valois, "vray paradis du monde" pour le confident de Catherine de Médicis, Pierre de Bourdeilles dit Brantôme. Pour Théodore Agrippa d’Aubigné, le jardin de Catherine lui servira à "monstrer sa magnificence".

 

Dans l'esprit de celle qui est devenu la reine-mère, ce séjour enchanteur inspiré d'un jardin Florentin célébrera  la beauté d'une nature sublimée, idéale, dont l'harmonie relevait de la seule intervention humaine. Son jardin avec quelques références métaphoriques doit susciter dans son idée une admiration égale à celle du palais grandissime qu'elle a projeté.
 

 

du vieux persAN : pairidaēza""

En 1452, le florentin Léon Battista Alberti avait publié "De re aedificatoria" . Ouvrage de référence indiquant que jardin et demeure ne peuvent être pensés séparément. Les deux sont uniques et indissociables. Et traitant de nobles résidences campagnardes, il souligne que jardins et demeures doivent  s'inscrire dans l'harmonie d'un paysage.

 

Comme ses architectes, Catherine n'ignore rien des préconisations du florentin.

 

Paradoxalement le jardin des Tuileries, complémentaire du palais est clos comme un jardin du Moyen-age (l’hortus conclusus -jardin enclos) dissocié du palais par une "une rue boueuse, ravinée par les charrois de matériaux le séparait du château discontinué" décrite ainsi selon  l'historien G.Lenotre. Toutefois, il convient toutefois de souligner comme maints chercheurs que les premiers jardins Italiens sont une transition entre le jardin clos du moyen-âge et le jardin Renaissance appelé dans une seconde phase de changement à l'unicité entre la demeure et le château. Cependant, Catherine est une femme de goût. Et même si les jardins de style Italien sont parfois encore distants des résidences, rien ne s'opposait à une unité entre le château et le jardin. La voie passante bordant la résidence et le jardin cloisonné, renforce l'idée que cette configuration répondait peut-être à une pensée précise.

 

Suggestion osée du rédacteur ; Catherine ne pense t-elle pas son jardin comme un paradis terrestre à atteindre comme un espace quasi sacral, mais isolé du monde ?

 

L'étymologie indique que"paradis" est un mot tiré du vieux persan "paridaiēza signifiant enceinte royale ou nobiliaire ? Aucune autre précision alors précisant la destination cette surface bornée.

 

Mais c'est au jeune Athénien Xénophon que l'on doit le mot " paradeisos" pour désigner un jardin d'agrément dans le monde.  Le mot apparaît pour la première fois dans "l'Anabase",  récit d'une expédition militaire Grecque .

 

L’auteur en est le jeune Athénien Xénophon. Quand le fils de l'empereur Perse Darius II, Cyrus le jeune, fait appel à des mercenaires grecs pour renverser son frère, Xénophon en soif d'aventure participe à l'expédition. Les Grecs  sont fort impressionnés quand le jeune prince les conduit à son palais. Ce dernier était  entouré d' un  immense  verger bien ordonné, protégé par une enceinte  de  pisé. Cet espace clos protégeait une  grande  variété  d'arbres  fruitiers. Un système d’irrigation complexe donnait vie à ce jardin d'agrément.

 

Ce dernier était  entouré d' un  immense  verger bien ordonné, protégé par une enceinte  de  pisé. Cet espace clos protégeait une  grande  variété  d'arbres  fruitiers. Un système d’irrigation complexe donnait vie à ce jardin d'agrément.

 

Xénophon dans son œuvre "L’Économique relatif  à la gestion la gestion d'un grand domaine foncier fait dire à Critobule disciple de Socrate que le roi perse « où qu’il séjourne, dans quelque pays qu’il aille, veille à ce qu’il y ait de ces jardins, appelés paradis, qui sont remplis des plus belles et des meilleures productions que puisse donner la terre ; et il y reste aussi longtemps que dure la saison d’été. »

 

 

Adam et  Eve par Lucas Cranach.Wikimedia.org
Adam et Eve par Lucas Cranach.Wikimedia.org

La forme variant "paradisus" représentera  pour les premiers chrétiens le Jardin merveilleux que Dieu offrit comme séjour à Adam et Ève.


"L’Éternel Dieu planta un jardin en Eden"  [...] L’Éternel Dieu prit l'homme et le plaça dans le jardin d'Eden pour qu'il le cultive et le garde. Le jardin d'Eden (Genèse 2.4-25).

 

L'éden verdoyant, récréatif, métaphorique de Catherine de Médicis s'étire globalement sur une longueur de 500 mètres de long sur 300 de large, orienté d'Est en Ouest, dans l'axe de la construction du palais.

 

Lieu de délices, l'aire s'organise autour de 6 longues allées droites parallèles à la Seine, dont trois portent le nom d'allée des Ormes, des sapins, des sycomores. Ces 6 allées sont coupées par 8 allées perpendiculaires. Chaque croisement délimite des "parquets", c'est à dire des périmètres plantés de bosquets, de parterres de fleurs, de plantations diverses comme une vigne.


Le jardin est aussi un grand verger. 500 arbres fruitiers y sont plantés, comme des poiriers (40), amandiers (55). Parmi les arbres, on dénombre des tilleuls, des ormeaux, des merisiers. Sans être exhaustif, signalons aussi des fraisiers.

 

L'historien G.Lenotre en donne une description :

"Or il y a de tout dans ce paradis des Tuileries, des pelouses, des bois, des parterres où le myrte, le thym, le serpolet, le romarin, la lavande, la camomille, voire le persil et l’oseille figurent des dessins compliqués ; il y a des buis taillés « en fleurs de lys, en châteaux forts, en armées de verdure, en molosses, en bêtes sauvages » ; il y a des fontaines, des bassins, des ruisseaux, des « hommes en romarin », Adam et Ève en if, des lits de repos, des bancs, des tables de feuillage, les signes du Zodiaque".

 

Le 1er mai 1575, une ambassade Suisse venu  présenter au roi ses lettres de créances a laissé une description des lieux. En italique, et en complément de celle de G. Lenotre leurs observations admiratives permettra aussi d'imaginer les lieux  :
  
 " Le jardin est fort vaste et très-agréable. Une large voie le partage en deux parties, plantées de chaque côté d’arbres élevés, ormes et sycomores, qui fournissent de l’ombre aux promeneurs. [...] Dans ce jardin sont plusieurs fontaines avec des nymphes et des faunes qui tiennent des urnes d’où l’eau s’échappe.[...].

 

 

Au nord du jardin, la reine installe les écuries et un grand manège. Couvert il est dédié à des activités équestres.

 

Durant la révolution ce manège reconstruit sous Louis XV servira un temps de siège à l'assemblée nationale qui y jugera et condamnera à mort Louis XVI.

 

Labyrinthe et mur D’Échos

Jardin des Tuileries et palais projeté par Catherine. Par Gilles Brémond d'après une source historique.
Jardin des Tuileries et palais projeté par Catherine. Par Gilles Brémond d'après une source historique.
L'eau tombant du ciel ne suffirait pas à donner vie au jardin.
Aussi pour la conduire des hauteurs de Saint-Cloud l'eau indispensable  pour alimenter notamment fontaines et bassins "un aqueduc en poterie, noyé dans un manchon de béton d’une qualité exceptionnelle" (source Procès verbal de la commission municipale du vieux Paris -1905) dit aqueduc de Chaillot) est construit très probablement vers 1567 par Bernard Palissy, possédant entre autres compétences des solides connaissances en hydrologie.
 
Un jardin surprenant de surprises, un ravissement pensé pour ébaudir le promeneur. Le lieu n'est pas seulement conçu comme une déclinaison de couleurs, de senteurs fleuries, de variétés fruitières, mais pensé comme un espace scénique, magique, d'allusions symboliques comme un labyrinthe et une grotte...  et d'illusions visuelles et auditives. 
 
Découvrons le labyrinthe (un deddalus). Il est  fait de saules, de cyprès, de cerisiers et de fontaines. Historiquement ce méandre végétal fait référence au labyrinthe construit par Dédale, l'architecte du roi Crétois Minos pour enfermer le Minotaure et le meurtre du de ce dernier par le prince Grec Thésée qui grâce au fil qu'Ariane fille de Minos (tombée amoureuse du jeune Grec) lui a donné trouve la sortie du labyrinthe.
Le labyrinthe médiéval évoque l’âme égarée par les pièges de la vie et  incapable d'atteindre le centre où se tient Dieu. A la la Renaissance le labyrinthe s'inspire des mythes de l'Antiquité gréco-romaine. Et dans cette Renaissance qui place l'Homme au cœur de la société,  pour les penseurs humanistes une des questions posées est de savoir combien de chemins il faut chercher pour atteindre la Vérité? !
"Il s’y trouve un labyrinthe tracé avec tant d’art qu’une fois entré on en sort difficilement. On y voit des tables faites de branches et de feuilles, des lits, etc. Ce qui est étonnant, c’est que ce labyrinthe est presque en entier formé de cerisiers courbés."
 
En faisant appel aux techniques de son temps, Catherine transforme le parcours végétal rationnel en un environnement étonnant, magique. Le "mur d'écho" (construction murale en demi-lune) qui renvoie les voix en est un exemple. L'historien et avocat Henri Sauval nous donne un aperçu, "de ce mur biais, en forme d'hémicycle".
" Les galants y donnent souvent des concerts à leurs maîtresses ; et les commencent quelque fois aux heures où il y a grand - monde, afin d'avoir plus de témoins de leurs amours. Il est situé au bout de la grande allée , et entouré d'une  grande murailles de deux toises, arrondie en demi-cercle de vingt-quatre de diamètre , verte de haut en bas, cachée par des palissades et des tonnelles. Les endroits où se reçoivent les voix  et d'où elles partent en occupent presque tout le diamètre, n'étant séparés l'un de l'autre que par le vuide de quelques toises, qui continue vers le centre de la grande allée et conduit dans la capacité de cette demi-circonférence. Par là, on voit que cet écho n'est pas si naturel que le peuple s'imagine [...]."
L'émerveillement du visiteur ne serait pas complet sans la réalisation d'une grotte métaphorique et extraordinaire. Elle sera construite de 1560 à 1570.
 

LA GROTTE DE BERNARD PALISSY

Cette image provient de la bibliothèque numérique de la New York Public Library.Iidentifiant 1105364: digitalgallery.nypl.org → digitalcollections.nypl.org
Cette image provient de la bibliothèque numérique de la New York Public Library.Iidentifiant 1105364: digitalgallery.nypl.org → digitalcollections.nypl.org

 Influencée par la mode de son temps et dans dans une dynamique de subjuguer ses hôtes, Catherine décide d'édifier une grotte ; dans son jardin, "l’émaillerie devait avoir sa part". Cette dernière doit susciter un déferlement de superlatifs d'admiration. La grotte est complémentaire, de la mise en scène dont participent le labyrinthe et le mur d'échos.

 

Hervé Brunon, dans un article paru en 2007 dans la revue de l'INHA pour L.Zangheri (Actualités de recherche en histoire de l'Art) permet de placer cette construction dans un contexte historique propre à la Renaissance.

 

"Le développement des grottes artificielles constitue en effet l’un des aspects artistiques les plus significatifs du mouvement de renovatio antiquitatis lancé par la Renaissance. Ce type d’espaces architecturaux était apparu avec l’hellénisme et s’était affirmé dans l’art des jardins romains, désigné par différents vocables comme amaltheum (Cicéron), musaeum (Pline l’Ancien) ou encore nymphaeum. Les équivalents modernes des modèles antiques présentent de même une certaine fluctuation terminologique, qui subsiste encore aujourd’hui entre les mots « grotte » et « nymphée ».."

 

 Pour cette réalisation audacieuse que Catherine veut exceptionnelle, elle fait appel en 1565 à l'autodidacte (céramiste hydrologue, verrier, arpenteur, géomètre...) Bernard Palissy, dont les avis laudatifs des contemporains assoient une notoriété justifiée  ; Catherine est ainsi assurée du succès de son projet grâce à l'art palisséen unique dans le royaume.

 

On notera que dans les jardins italiens, la grotte représente l'origine terrestre des hommes.

 

Le maître-céramiste, naturaliste unique, répond ainsi à la commande de la reine-mère :

 

 

«S’il plaisoit à la Royne, me commander une grotte, je la voudrois faire en la forme d’une grande caverne d’un rocher ; mais, afin que la grotte fût délectable, je la voudrois aorner des choses qu’il s’en suyt. Et premièrement au dedans de l’entrée de la porte je voudrois faire certaines figures de termes divers, lesquelz seroient posez sur certains pieds d’estraz pour servir de colonne... Il y en auroit un qui seroit comme une vieille estatue, mangée de l’ayr ou dissoutte a cause des gelées, pour démontrer plus grande antiquité. Il y en auroit un autre qui seroyt tout formé de diverses coquilles maritimes, sçavoir est les deux yeux de deux coquilles ; le nez, bouche, menton, front, joues, le tout de coquilles, voire tout le résidu du corps... Pour faire émerveiller les hommes je en vouldrois fère trois ou quatre vestus et coiffés de modes estranges, lesquels habillements et coiffures seroient de diverses linges, toiles ou substances rayées, si très approchans de la nature, qu’il n’y auroit homme qui ne pensast que ce fut la mesme chose que l’ouvrier aurait voulu imyter... Je vouldrois fere certaines figures après le naturel, voire imitant de si près la nature, jusqu’aux petits poilz des barbes et des soursilz, de la même grosseur qui est en la nature, seroient observez... » (source Wikisource." Lettres écrites de la Vendée" de M. Benjamin Fillon).

 

Le potier qui va devenir l"inventeur des rustiques figulines (ndlr : modelées en terre) de la "royne mère du roy", pour une majorité d'historiens, avait déjà construit une grotte au château d’Ecouen, honorant une commande du connétable Anne de Montmorency (ndlr Henri Brunon pense que rien n'est prouvé sur le fait que le céramiste ait achevé la grotte d'Ecouen et que les plans retrouvés concernaient Ecouen) . Suite à cette réalisation réussie, il écrit "Architecture et Ordonnance de la grotte rustique de Monseigneur le Duc de Montmorency, Pair & Connestable de France".

 

[...]L'ESMAIL BIGARRÉ QUI RESSEMBLE AUX COULEURS

des prez, quand la saison les diapre de fleurs.

Pierre Ronsard louant la grotte du bois attenant au château de Meudon

Céramique de B Palissy. https://www.metmuseum.org/art/collection/search/201637.Wikemedia.
Céramique de B Palissy. https://www.metmuseum.org/art/collection/search/201637.Wikemedia.

La grotte émaillée est décorée de coquillages et peuplée d'animaux émaillés, d'origine terrestre (lézards, grenouilles...) et marins émaillés ( écrevisses, homards...) ; description de G.Lenotre que l'on ne présente plus :

La grotte est "peuplée de serpents, de limaces, de tortues, de lézards, de crapauds et de grenouilles en terre cuite émaillée : on y voit aussi de l’herbe et de la mousse parfaitement imitées, un faune dont le front, les yeux, la bouche, les joues, le reste du corps sont tout en coquillages et un moulin à eau dont la roue active un soufflet qui joue du flageolet…"

 

Les ambassadeurs Suisses déjà mentionnés, ont décrit également cette réalisation. Ils sont impressionnés par l'ouvrage selon eux  comme le plus "remarquable" du jardin.

 

"C’est un rocher sur lequel courent divers reptiles, serpents, limaçons, tortues, lézards, crapauds, grenouilles, et toute espèce d’animaux aquatiques. Eux aussi versaient de l’eau. Même on eût dit que du rocher lui-même suintait de l’eau. [...]."

 

 

Ses moulages artistiques semblant plus vrais que nature, qu'il est soupçonné que ses compositions soient réalisées sur des animaux morts pour un rendu de certaines "figures après le naturel".

La grotte perdue

Grotte de Palissy supposée par erreur à tord destinée au jardin des Tuileries.
Grotte de Palissy supposée par erreur à tord destinée au jardin des Tuileries.

 

Dan son ouvrage édité en 1868 et dédié à Bernard Palissy,

 

 

 

Un précieux témoignage de la description de cette œuvre nous est parvenu grâce au récit de la délégation helvétique du 1er mai 1575 (cf article ci-dessus) venu présenter au roi leurs lettres de créances. Son témoignage donne une description des lieux. En italique, leurs observations admiratives. Impressionnés, pour eux la grotte est  l'ouvrage le plus "remarquable" du jardin.

 

   

 

L'emplacement exact de la grotte est inconnu (peut-être dans la partie Sud du jardin ; Edmond Beaurepaire la situe sur "l'emplacement que couvre la terrasse au bord de l'eau" et probablement au niveau de la passerelle de Solferino).

 

Pour Louis Audiat (en 1868) la trace de la grotte est perdue :

 

"On a cherché en quel lieu des Tuileries s’élevait cette merveilleuse grotte. Dans le jardin assurément. Or, le plan de ce jardin, par Androuet du Cerceau, indique deux emplacements où elle aurait pu se trouver ; l’un au commencement de la terrasse actuelle des Feuillants ; l’autre dans un carré de bois situé sur le bord de ce qui est aujourd’hui le grand massif de droite, du côté de l’allée centrale, et à peu près aux deux tiers. C’est ce dernier qu’adopte M. de Montaiglon : car, le premier est situé près des écuries, tandis que le second moins vaste est en outre entouré d’un petit bois."

 

En 1985, les fouilles archéologiques menées lors des travaux du Grand Louvre ont permis de situer grâce à la découverte de vestiges palisséens l'atelier du maître. Ils ont été découverts près de l'enceinte de Charles V au sud-ouest de la Cour du carrousel. Ces fouilles indique que son atelier se trouvait sur le site de la salle des États. L'atelier était installé dans une fabrique de tuiliers abandonnée, dont Palissy utilisait les fours. L'éloignement de la fabrique par rapport au chantier s'explique par souci d'utiliser l'existant mais aussi  par les effets de pollution.

 

On ne peut terminer cet article sans dire un mot de la tragique fin de Bernard Palissy, génie de son siècle, homme simple et droit.

 

En 1590, Bernard Palissy refusant d'abjurer sa foi protestante meurt victime de la bêtise de fanatiques religieux lors des guerres de religion dans la prison de la Bastille. Son ami Pierre de L'Estoile écrit "En ce mesme an, mourust aux cachots de la Bastille de Bussi, maistre Bernard Palissy, prisonnier pour la religion" ; l'homme âgé de quatre vingts ans « de faim, de froid et de mauvais traitements ».

 

Ce génie de la céramique emporte avec lui le secret de ses fabrications, tandis que son corps est jeté aux chiens.

 

 

Vocations d'un jardin

Jardin Persan.Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=407537
Jardin Persan.Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=407537

            

 Le jardin élève l'âme....et quand l'automne suivi par l'hiver interrogent au détour des saisons, le printemps et l'été reviennent rappelant que si tout est éphémère, la renaissance est là. Ici la mort n'a pas sa place.
On ne peut clore cet article sans souligner le rôle du jardin à cette époque. Xavier Le Person dans son enquête dédiée aux "Practiques" et "practiqueurs": la vie politique a la fin du règne de Henri III" relève que " Le jardin, lieu retranché des troubles du monde, est considéré à la Renaissance comme le lieu idéal pour la conférence ou la dispute. S'inspirant des spéculations d'Anciens, le fait de se promener ou de se déplacer en méditant dans un jardin est perçu par les hommes de la Renaissance, comme une action favorisant l'ouverture de l'esprit, parce que l’ébranlement de l’âme est pensé comme le déplacement du corps".
  
Évoquant une promenade de Catherine de Médicis et du cardinal de Bourbon proche de la Ligue dans les jardins de l'abbaye d’Épernay, l'auteur écrit "Cette promenade dans le jardin peut donc parfaitement avoir été pensée par la reine-mère, inspirée en cela par sa culture et les spéculations humanistes sur le pouvoir philosophique et apaisant des jardins, comme un lieu favorisant la déambulation de la pensée, source d'une possible décrispation et ouverture politique dans un moment où les négociations ne semblaient plus avancer".
 
Xavier Le Person relève ce qu'écrivait G.Lamarche-Vadel dans son livre titré "Jardins secrets de la Renaissance", à savoir que le jardin est un espace de rencontres, d'abouchements pour le jeu politique, celui des alliances et des trahisons "Le jardin, lieu accueillant  les comédies, les pastorales ou les mascarades, devient aussi le lieu d'un théâtre politique fait d'illusions et d’effets. Illusions, car comme le théâtre de comédie qui met en scène un ensemble d'artifices, effigies, signes, jeux optiques, décors, habits, rôles, censés évoquer et réunir un monde qui n'existe plus et que la scène a ressuscité".
Et si on se souvient que l'étymologie de jardin indique que"paradis" est un mot tiré du vieux persan "paridaiēz" on soulignera que les souverains perses qualifiaient de "compagnon de jardin" l'homme de confiance en qui en toute sérénité ils ouvraient leur cœur loin d'oreilles indiscrètes, tout en flânant dans un lieu de senteurs, protégé d'une enceinte. Cet espace divin, arboré, verdoyant où l'eau précieuse chassait le désert, où treilles et  arbres filtraient les rayons du soleil et ombrageaient les promeneurs apaisait l'âme d'un empereur écrasé de responsabilités et qui dans ce lieu enchanteur se dépouillait de ses devoirs de représentativité auprès de son "compagnon de jardin".
Porte de la Conférence et jardin des Tuileries.
Porte de la Conférence et jardin des Tuileries.

L'enceinte des fossés jaunes

Par Inconnu — http://www.culture.gouv.frDomaine public
Par Inconnu — http://www.culture.gouv.frDomaine public

 La pression urbanistique parisienne à la Renaissance fait que l'habitat déborde les murailles protectrices de Charles V.

 

Il convenait d'élever une nouvelle fortification, dite enceinte de Charles IX pour protéger l’aire urbanisée débordant extra-muros, notamment le quartier de St Honoré.

 

L’enceinte de Charles IX contrôlera les accès de l'ancien quartier occidental de Paris...tout en protégeant le château des Tuileries et son jardin. La construction de l'enceinte inachevée de Charles IX (commencée en 1566 l'ouvrage est arrêté  vers 1585 et repris EN 1631 par Louis XIII) dite des "Fossés jaunes" est certainement une des réponses notamment aux guerres de religion facteurs d'insécurité supplémentaire pour la capitale. Ce qualificatif de "fossés jaunes" est certainement en lien avec la couleur du limon de la terre de ses fossés visible après les terrassements.

 

Partant de la rive droite et près de la Seine le rempart défensif de Charles IX était un mur de 60 mètres de long sur 7 mètres de haut. Il était renforcé de 6 bastions dont le premier situé près de la Seine fermait le jardin des Tuileries.

 

Il reviendra à Louis XIII d'achever l'ouvrage, en commençant par ériger la porte de la Conférence à laquelle s'adossera un bastion du même nom. Ils seront au nombre de huit. Poursuivant jusqu’à l’ouest de la porte Saint-Denis le système défensif de Louis XIII sécurisait un large périmètre. Dépassé cette porte, les murs protecteurs rejoignaient l'enceinte de Charles V. Puis de la Bastille, ils achevaient cette longue course au bassin de l’Arsenal. De nouveaux bastions sécurisaient le secteur. Le plan de Vassalieu donne une bonne représentation de cette fortification dont le premier bastion au Sud, près de la Seine, protège le jardin.

  

En août 2003, lors des travaux de rénovation du musée de l’Orangerie il a été mis à jour une partie de ce bastion dont un des flancs était face à l'Ouest. 

 

L' enceinte de Charles IX était en biais et en son milieu décrochait en un demi cercle qui occuperait plus de la moitié aujourd'hui du bassin octogonal.