Giovanni Francesco Barbieri appelé Guercino
Giovanni Francesco Barbieri appelé Guercino. Wikepedia.

 

 

CAR L’AMOUR ET LA MORT N’EST QU’UNE MESME CHOSE.

 

PIERRE DE RONSARD

 

 

Quel est donc le lien entre Pierre de Ronsard, et le château des Tuileries ? 

 

C’est dans les jardins du palais que le "prince des poètes", poète des rois et de leur mère a déclaré sa flamme pour la premiere fois à Hélène de Fonsèque.

 

Mais de cet amour malheureux, la littérature n a retenu que les prénoms d Hélène et de Ronsard.

 

Ronsard ne pouvait pas trouver cadre plus approprié pour exprimer ses sentiments ardents et purs. 

 

A la Renaissance le jardin, entre autres,  élève l'âme et est une allégorie du monde gréco-romain alors qu au Moyen-Âge il a des fondements religieux et par ailleurs fait référence à l amour courtois.

 

En ce qui concerne l Amour, rien d obscéne bien entendu dans "le jardin de la royne aux Thuileries". Toutefois une anecdote.

 

En 1575, des ambassadeurs helvètes venus présenter leurs lettres de créances à Henri III et lui proposer de signer un traité de paix s offusquent d y découvrir un labyrinthe, pour eux est peu conforme avec la morale.

 

Ce dernier est conçu de cerisiers courbés et de saules. Ce dédale est conçu avec tant de perfection "qu’une fois entré on en sort difficilement."  Jusque la, rien d anormal à part l admiration pour cette réalisation végétale !

 

Ce qui choquent les émissaires suisses, c est qu ils y découvrent des tables faites de branches et de feuilles, des lits "incitant aux choses mauvaises".

 

Il convient de préciser que la France est plongée dans les guerres de religion et que les cantons suisses les plus importants sont acquis au protestantisme. La Réforme ne badine pas avec une Eglise catholique en général bien loin des valeurs Christiques.

 

Le labyrinthe construit par l'ingénieur Crètois pour enfermer le Minotaure se retrouvent dans différentes cultures bien antérieures au mythe grec. Dans tous les cas, il est le commencement  d'une quête initiatique, parcours rude, inquiétant et sans relais conduisant celui qui a triomphé des difficultés à la Vérité.

 

Au Moyen-Âge les labyrinthes des édifices religieux sont principalement des labyrinthes de pavement contrairement là ceux de la Renaissance qui sont faits de verdure.

 

Et quand l'automne suivi par l'hiver interrogent au détour des saisons, le printemps et l'été reviennent rappelant que si tout est éphémère, la renaissance est là.

 

Ici la mort n'a pas sa place. 

 

 

Ce jardin est notamment décrit par G Lenotre est comparé par l historien à "un paradis terrestre".

 

"Il faut dire que les Parisiens de ce temps-là, étaient peu gâtés en fait d’arbres et de verdure : un jardin de quelque étendue était pour eux nouveauté surprenante et révélation de merveilles insoupçonnées.

 

Or il y a de tout dans ce paradis des Tuileries, des pelouses, des bois, des parterres où le myrte, le thym, le serpolet, le romarin, la lavande, la camomille, voire le persil et l’oseille figurent des dessins compliqués ; il y a des buis taillés « en fleurs de lys, en châteaux forts, en armées de verdure, en molosses, en bêtes sauvages » ; il y a des fontaines, des bassins, des ruisseaux, des « hommes en romarin », Adam et Ève en if, des lits de repos, des bancs, des tables de feuillage, les signes du Zodiaque, un labyrinthe, un écho, une grotte que Palissy a peuplée de serpents, de limaces, de tortues, de lézards, de crapauds et de grenouilles en terre cuite émaillée : on y voit aussi de l’herbe et de la mousse parfaitement imitées, un faune dont le front, les yeux, la bouche, les joues, le reste du corps sont tout en coquillages et un moulin à eau dont la roue active un soufflet qui joue du flageolet… agréments de goût italien, importés par les compatriotes des Médicis ".

Jardin des Tuileries reproduit par Gilles Brémond
Jardin des Tuileries reproduit par Gilles Brémond

 

 

 En 1578, Le poète a plus de 50 ans, et pour la troisième fois son coeur devient braise.

 

Cet éden des Tuileries ou la palette de la nature a paré cet univers végétal de couleurs délicates, est à imaginer, le jour ou notre homme qui se se consume pour Hélène de Fonsèque flâne en sa compagnie.

 

"Tous deux dans de superbes habillements". Sous un ciel céruléen Ronsard frémit sous la caresse d un zéphyr tiéde et parfumé.

 

Confiant en son idylle, son art lui permet de dédier à sa belle des vers enflammés. Tout à ses émotions, aucune référence au charme de l environnement exalté par ses contemporains, aux subtils arômes de ce lieu paradisiaque à échelle humaine voulu par Catherine de Médicis.  Seule l’ouïe situe le lieu : 

 

 

 

Quand je pense à ce jour, où pres d’une fonteine

Dans le jardin royal ravy de ta douceur,  

Amour te descouvrit les secrets de mon cœur,

Et de combien de maux j’avois mon âme pleine :

Je me pasme de joye, et sens de veine ne veine

Couler ce souvenir, qui me donne vigueur,

M’aguise le penser, me chasse la langueur…

 

Mais remontons brièvement le fils du temps. pour éclairer  et réveiller le passé d une âme subordonnée à l amour qu il nous transmettra au travers d une littérature poétique.

 

En 1545, lors d un bal donné au château de Blois ou réside la cour, le jeune homme tombait sous le charme de Cassandre Salviati fille d’un banquier de François Ier. Cassandre a 15 ans et lui 21. Dans tous les cas, la belle quitte trés vite Blois et l adorateur déjà clerc tonsuré ne peut l’épouser. En choisissant la voie ecclésiastique, l ambitieux a opté pour les avantages liés à cette qualité : des bénéfices financiers importants ! 

 

Vu le contexte, et l habit ne faisant pas le moine, l éploré faisant référence à l épouse de Ménélas griffe de sa plume allégorique le papier confessant brûler "de plus de feux que la vieille Troie" .  

 

Le galant se consolera dans le lit de Marie Dupin. Sa déesse meurt à 21 ans "enflammant la terre et la tombe d’amour".

 

Ensuite apres "le froid silence du tombeau" survient un nouveau feu destructeur pour Ronsard. Il s embrase pour Hélène de Fonsèque une des dames d'honneur de Catherine de Médicis.  

 

En 1578 cette dernière demande à Ronsard (poète et aumônier du roi Charles IX qui ne peut se passer de lui) de composer pour sa protégée des vers. Catherine de Médicis a un coté d’entremetteuse dans une cour des Valois définie comme licencieuse. Le but de la reine est de venir en aide à Hélène. En effet, cette jeune beauté âgée de 20 ans est inconsolable depuis la mort de celui quelle aimait, le capitaine Jacques de La Rivière décédé pendant les guerres de religion. Ronsard prend alors la plume pour écrire les "Sonnets pour Hélène ". Mais Ronsard  habitué aux badinages tombe amoureux de la jeune grâce. Elle devient une égérie dont son coeur est prisonnier.   

 

La chaste Hélène ne cédera pas aux avances de Ronsard. L éploré est donc condamné par sa belle à un enfer terrestre. La cruauté d'une passion platonique lui inspirera des sonnets dédiés à sa dame de coeur. Inaccessible à la folie amoureuse du rimeur, la cruelle ignore cet homme dont la célébrité dépasse la cour royale.

 

Cependant le long cheminement d une vie conduira l ingrate dame de pique, bien tardivement, se faisant moins indifférente, à lui adresser une étrange missive :  

 

Prenant congé de vous dont les yeux m’ont dompté, Vous me dites un soir, comme passionnée : Je vous aime, Ronsard, par seule destinée.  

 

Piètre consolation de la nymphe à qui Ronsard a dédié ses meilleurs sonnets. 

 

Pierre de Ronsard se retirera au prieuré de Saint-Cosme offert par Charles IX en 1565 las et fatigué, alors que le royaume est dtoujours déchiré par les guerres de religion. A noter que le courtisan a tourné le dos à ses amis protestants, en choisissant le clan catholique. Mais vieillissant il est de ceux qui pensent qu’une entente avec ces derniers est la solution pour mettre fin  les sanglantes polémiques religieuses : 

 

 

Affligé par une guerre qui détruit la France, il s'était adressé à Catherine de Médicis :

Madame je serois, ou du plomb ou du bois

Si moy que la Nature a fait naistre François,

Aux siecles advenir je ne contois la peine

Et l’extreme malheur dont rostre France est pleine.

Je veux, maugré les ans, au monde publier,

D’une plume de fer sur un papier d’acier,

Que ses propres enfans l’ont prise et devestue,

Et jusques à la mort vilainement batue. 

 

Au son célèbre compatriote notamment poète, humaniste, acquis à la réforme,  refugié à Geneve,  il lui rappelle que le royaume dévasté est celui ou il est né jadis ; alors un pays  prospere alors en paix. Il demande à ce précédant ami qui jouissait avant sa conversion religieuse d une grande renommée dans le royaume de ne plus prêcher en France :

 

une Évangile armée,
Un Christ empistollé tout noirci de fumée,
Qui comme un Mehemet va portant en la main
Un large coutelas rouge de sang humain…
Car Christ n’est pas un Dieu de noise ny discorde,
Christ n’est que charité, qu’amour et que concorde.

Ronsard épuisé est aux portes de la mort :
 

Je n’ay plus que les os, un squelette je semble,

Decharné, denervé, demusclé, depoulpé, 

Que le trait de la mort sans pardon a frappé

Je n’ose voir mes bras que de peur je ne tremble.  

 

mise en musique par Francis Poulenc 

 

 

 

 

Dernier supplique :

 

Quand mon heure viendra, Déesse, je te prie,

Ne me laisse longtemps languir en maladie,

Tourmenté dans un lit ; mais, puisqu'il faut mourir,

Donne-moi que soudain je te puisse encourir,

Ou pour l'honneur de Dieu, ou pour servir mon Prince,

Navré d'une grande plaie au bord de ma province.

 

 

Le poète y meurt dans la nuit du 26 et 27 décembre 1585. Il avait connu l’enfer terrestre en ayant survécu aux ardeurs d un l’amour profane.

 

Il avait hâte à gagner un paradis où les passions terrestres n’ont plus leur place.  

 

A sa demande, sur sa pierre tombale sont gravés ces vers :  

 

CELUY QUI GIST SOUS CETTE TOMBE ICY

AIMA PREMIERE UNE BELLE CASSANDRE

AIMA SECONDE UNE MARIE AUSSY,

TANT EN AMOUR IL FUT FACILE A PRENDRE.

DE LA PREMIERE IL EUT LE CŒUR TRANSY,

DE LA SECONDE IL EUT LE CŒUR EN CENDRE,

ET SI DES DEUX IL N'EUT ONCQUES MERCY    

 

Aucune référence à la maîtresse inaccessible ! Qu en déduire ? l amant a t-il vraiment aimé Helene d une passion dévorante jusqu à la fin de sa vie ? La belle ne lui a - t- elle pas été le levier pour aiguiser la  plume du lettré imitateur de Pétraque? Question osée, provocatrice pouvant donner lieu à des débats ! L idolâtrie pour sa nymphe n est-elle pas devenue au fil des années un exercice d abstraction littéraire purement intellectuel ? A moins que le temps ait fait son oeuvre d oublie pour laisser place au blâme. Mais est-il nécessaire d approfondir cette hypothèse toute suggestive ?!

 

Les sonnets à la " gentille Damoiselle" rendent  le poète immortel.

 

Hélène de Fonsèque toujours chaste, rendra l'âme le 15 janvier 1618 dans le château familial de Surgères qui l'avait vu naître 72 ans auparavant.  Mais qui se souvient du nom Fronsac ?! Celui de Ronsard reste lié à la pureté d une ros

 

Avant de conclure, pour introduire la fiction que nous offre mon amie Marie-Claire terminons sur ce sonnet de Pierre de Ronsard à sa muse aux cheveux couleur de jais soyeux , aux grands yeux innocents et suppliants de biche qui troubleraient le regard du chasseur :  

 

 

Regrettant mon amour et votre fier dédain.

Vivez, si m'en croyez, n'attendez à demain :

Cueillez dès aujourd'hui les roses de la vie

 

Le prieuré de Saint-Cosme, à La Riche près de Tours, a abrité Pierre de Ronsard entre 1565 et 1585. Les jardins autour du prieuré abritent évidemment des rosiers, mais ils sont surtout imprégnés du souvenir de Ronsard et de ses poésies. Une amie, Marie-Claire a imaginé la poétique rencontre du fantôme d'Hélène dans les jardins du Prieuré de Saint-Cosme...  Vous pouvez lire cette fiction exclusive en cliquant sur ce lien !