Naissance et Renaissance

Des histoires pour écrire l'histoire d'un château !

Château de Blois.(Source : Sylve VALENTIN).
Château de Blois.(Source : Sylve VALENTIN).

1519-1589
  C'est un parti pris, annoncé dès "L'introduction aux contes de faits" ; l'histoire des Tuileries sera abordée comme une épopée, en l'inscrivant dans un large contexte historique. Il est basé sur des faits réels. Les quelques fois où la narration s'en éloigne, c'est notamment par manque de temps pour utiliser des sources historiques qui éclaireraient le récit.

Quand l'écriture badine avec la fiction historique, des clés rédactionnelles l'indiquent, comme "on peut imaginer". Dans tous les cas, la part d'imagination du rédacteur repose sur la conviction qu'il est très près de la vérité, et qu'un style s'essayant au romanesque ressuscitera mieux les ambiances telles qu'elles étaient, entre autres en tendant de sonder l'âme des personnages.

On débutera en présentant dans son environnement, celle qui a décidé la construction du château des Tuileries : l'inquiétante et fascinante, Catherine de Médicis. Bru de François 1er, épouse du roi Henri II, et mère des trois derniers Valois, François II, Charles IX, et Henri III.
 
Catherine voit le jour en 1519. Son histoire se confond avec des temps où les hommes s’entretuent et que paradoxalement triomphe l’Humanisme, présent au cœur d’un mouvement révolutionnaire né au Quattrocento  et qui à son apogée au XVIe siècle donne à ce dernier pleinement son identité : La Renaissance.

C'est l’artiste Giorgio Vasari qui pour la première fois définit la période allant du XIVe au XVI siècle de "Rinascita" (Renaissance) dans son ouvrage de référence "Les vies des meilleurs peintres, sculpteurs et architectes". 

Pour l'auteur trois temps sont à distinguer, correspondant aux trois âges de la vie. Le Trecento (XIVe siècle) à l'enfance ;  le Quattrocento (XVe siècle) à l'adolescence ;  le Cinquecento (XVIe siècle) à la maturité.. 

C'est une Europe du "renouveau" qui nous sert de toile de fond. Nous savons que la floraison des arts et des sciences conjuguées à la flamboyance de ce temps n'empêcheront pas les monstruosités d'un âge aux multiples facettes. Parmi ces maux l'intolérance religieuse, les guerres, la colonisation.

Sir Thomas More est exemplaire des contradictions de la période. En 1516, ce fervent catholique publie "Utopie", essai politique qui est "Le Traité de la meilleure forme de gouvernement".

La société décrite est idéale sur plusieurs points, comme celui d'ignorer la propriété privée. L'État chimérique qu'il promeut est situé sur l'île d'Utopia, qui est "dans un lieu qui n'est nulle part". Insulaires isolés, les Utopiens sont égaux et se respectent dans leurs diversités notamment religieuses, du moment que l'immortalité de l'âme est une certitude indiscutable et partagée. Cette civilisation tolérante que prône Thomas More, ne l'empêchera pas en tant que Grand chancelier du roi Henri VIII d'envoyer à la mort quelques hommes jugés hérétiques. L'éminent humaniste qui reste fidèle à la première épouse Aragonaise et catholique du "barbe bleue" anglais et au pape paiera de sa vie cette double loyauté ; il sera décapité en 1535.

 

En France, Jean Maynier, en 1545, baron d’Oppède, seigneur de Vitrolles, premier président d'Aix, gouverneur de Provence, paradoxalement traducteur de poèmes (Des triomphes) de l'humaniste Pétrarque anéantira sans "humanité" au nom de François 1er (poussé par le cardinal François de Tournon,  archevêque de Lyon) des localités  du Lubéron. Assisté du capitaine Paulin, baron de La Garde et de ses hommes, ainsi que de troupes envoyées d'Avignon conduites par le légat du pape  de Lothon, le pays est dévasté pillé, incendié. Les 16, 20, 22 avril,  3 000 Vaudois sont envoyés en enfer ou au mieux, pour les hommes "aux galères royales". Quand aux femmes, selon les habitudes, elles ont été violées. Vieillards et enfants sont tués. Les sommets de l'horreur de cette expédition  visant à dépeupler et totalement nettoyer le pays "de tels séducteurs et gens mal sentants de la foi" était atteint mais horrifiaient non seulement les Provençaux, mais aussi tous les sujets du roi. Aussi, sur une plainte de Françoise de Bouliers, dame de Cental (dont les terres ravagées jouxtaient celles du baron que ce dernier convoitaient) une enquête est ouverte sur les massacres. Le roi ordonne qu'un procès détermine les responsabilités et châtie les coupables. Procès inique puisque e seul  condamné fut Guillaume Guérin, avocat royal au parlement d'Aix.



L'humaniste protestant Sébastien Castellion lui aussi prône la tolérance religieuse. Il sera conduit à s'en prendre à son ancien ami Jean Calvin, quand ce dernier condamne au bûcher en 1533 le savant, médecin et théologien espagnol, Michel Servet , qui niait le dogme de la sainte Trinité.  En 1554, le courageux Castellion fait publier (sous le nom de Martin Belluis) "Le traité des hérétiques". Et Jean Calvin y découvrira cette sentence :

"Tuer un homme ce n’est pas défendre une doctrine, c’est tuer un homme. Quand les Genevois ont fait périr Servet, ils ne défendaient pas une doctrine, ils tuaient un être humain : on ne prouve pas sa foi en brûlant un homme, mais en se faisant brûler pour elle ".

Les exactions de cette époque conduisent Michel de Montaigne à cette conclusion : "Il n'y a point de bête au monde tant à craindre à l'homme que l'homme"!

Toujours sur le registre de la bête, l'humaniste Nicolas Machiavel constate que le Prince ne peut toujours "vivre avec droiture et non avec ruse". Et de développer son argumentaire politique :

"Vous devez donc savoir qu'il y a deux manières de combattre : l'une avec les lois, l'autre avec la force ; la première est propre à l'homme, la seconde est celle des bêtes ; mais comme la première très souvent ne suffit pas, il convient de recourir à la seconde. Aussi est-il nécessaire à un prince de savoir bien faire l'homme et la bête".

Pour compléter ce programme politique dont le dédicataire est Laurent de Médicis, dit le Magnifique, Machiavel conseille au Prince d'être à la fois lion et renard :"Puisque donc un prince est obligé de savoir bien user de la bête, il en doit choisir le renard et le lion ; car le lion ne se défend pas des rets, le renard ne se défend pas des loups".

Telle est l'Europe des humanistes, qui grâce aux blanches caravelles repoussant des horizons bleus outremer exporte ses valeurs au-delà de l'océan ! On se souviendra que l'Europe du raffinement et de la sagesse, qui a placé "l'Homme" au cœur de la société, découvre le "Nouveau Monde" et sans vergogne, tout en se lançant dans un prosélytisme catholique féroce, s'empare de ses richesses. L'extraction intensive "aux Indes occidentales Espagnoles" de métaux et de pierres rares par le colonisateur allait, entre autres, de pair avec l'exploitation éhontée des amérindiens ayant survécu aux maladies infectieuses venues d’Europe, leur asservissement, à leur génocide et la destruction de leur Culture.

En 1512 "les Lois de Burgos" signées par Ferdinand II d'Aragon visant à protéger les Indiens restent lettres mortes. Plus tard, la bulle pontificale de Paul III "Sublimis Deus" (juin 1537) et Les "Leyes Nuevas" de l'empereur Charles-Quint en novembre 1542, ni d'autres tentatives comme "la controverse de Valladolid" (août 1550-mai 1551) ne freineront l'esclavage des peuples asservis (ceux qui veulent aller plus loin sur se reporter à l'article de Michel Fabre, "La controverse de Valladolid ou la problématique de l'altérité"). 

Les débats de la controverse de Valladolid ne change rien aux sorts des malheureux indigènes à qui toute dignité était retirée, malgré le plaidoyer vibrant d'humanité, de Bartolomé de las Casas.

L'arrivée massive des fortunes volées au royaume IncaÏque, transportées par des galions hispaniques aura en Europe diverses conséquences, comme une inflation généralisée. Mais à côté de l'enfer vécu par les peuples d'Amérique du Sud, aujourd'hui nombreux ceux qui se lançant dans des courses aux chimères retiennent uniquement des rêves de fortunes occultant les zones sombres de la période !

Avec le développement de la piraterie maritime, "les grosses galères" commençaient pour les Espagnols ! Sont associées à cette épopée maritime, mille légendes, comme celles des îles aux fabuleux trésors. De quoi nourrir l'imaginaire de plusieurs générations d'adolescents et de grands rêveurs attirés par ces trésors maudits !  Souvent localisés par quelques signes mystérieux sur des cartes de la piraterie, comme les songes et les chimères, ils sont insaisissables !

Revenons en Europe. En évoquant les guerres d'Italie qui permettent à de jeunes rois à l’ego redoutable de ferrailler, de se trahir réciproquement, on observera le pape manœuvrer, plus ou moins benoîtement, entre les principaux protagonistes pour maintenir le patrimoine de Saint-Pierre et son pouvoir temporel qu'il entend comme  supranational. On se rappellera aussi que Soliman le Magnifique et Martin Luther étaient là pour complexifier la partie. Puis on reviendra en France, où Catherine épouse son prince charmant, le second fils de François 1er, Henri, duc d'Orléans.

Pour le pape Clément VII, marier sa nièce Catherine à un fils de France, outre des considérations politiques, c'est aussi unir les Médicis dont la roture est difficile à cacher sous le blason, à la prestigieuse dynastie des Valois-Angoulème. Une sorte d'ascenseur social avant l'heure, pour cette famille Florentine devant son ascension notamment à sa banque Médicéenne, ses comptoirs, et son réseau d'emprunteurs influents (on ne prête qu'aux riches !). Somme toute, le chef de l’Église universelle, après bien des grenouillages dans le bénitier, a échangé une vierge contre un profitable et durable placement immatériel pouvant rapporter "gros" !

 François 1er, ce grand dépensier des écus du peuple, calcule que le projet matrimonial présente notamment deux avantages. La promesse d'une dote "royale" additionnée à une légitimité de plus pour poursuive sa politique italienne. Et puis les deux complices ont un motif partagé, et peu chrétien de se réjouir de cette alliance. Elle a tout pour déplaire et surtout nuire à leur ennemi commun. On a désigné le très catholique roi d'Espagne, empereur du Saint-Empire germanique, Charles-Quint. 


Mariage malheureux pour une Catherine amoureuse, Henri ayant livré à tout jamais, son cœur et son âme à Diane de Poitiers.

Ah ! si le prince au moins avait été gay, elle aurait pu rêver de devenir son amie !

La mort du dauphin François, conduit Henri du statut de frère puîné à celui de futur roi. Ainsi la duchesse d'Orléans que rien ne prédisposait à devenir reine montera sur le trône de France aux côtés de son époux, devenu par le sacre, Henri II. Certains pensent que la mort du dauphin François a été préméditée par Catherine. Serait-ce son premier crime ? Beaucoup y ont cru. 

Alors que la France abandonne le ruineux mirage italien, Henri II meurt après un règne de douze ans. Sa politique religieuse coercitive a été calquée sur celle de son père ; à sa mort, le royaume s'enfonce dans des dissensions religieuses intestines. Les polémiques doctrinales, du stade de querelles, conduiront à de barbares luttes confessionnelles ! Protestants et catholiques s’étriperont réciproquement au nom d'une vérité au service de l’amour divin. L'affaiblissement du pays des lys, ses fractures confessionnelles, et le délitement du pouvoir, permettent à deux pays rivaux, Espagne et Angleterre, d'intervenir en France, pour soutenir leur candidat à la couronne.

Sous le règne de ses trois fils, François II, Charles IX, et Henri III, Catherine assumera une part du pouvoir, pour le compte principalement de Charles IX. Au commencement du règne de ce second fils, comme régente elle échoue dans ses tentatives désespérées pour apaiser les profondes divergences religieuses et empêcher la guerre civile qui couve sous la cendre.

Puis viendra l'assassinat en 1589, d’Henri III, roi très controversé et contrasté. Il était le dernier d'un lignage occupant le trône depuis 1328. Avant de rendre l'âme, il désigne son cousin, Henri III, roi de Navarre pour lui succéder. Les lois fondamentales du royaume régissant la succession sont respectées. Mais Henri III de Navarre, le futur Henri IV de France, est le principal leader protestant, ce qui ne peut convenir à ses futurs sujets, en majorité catholiques, et luttant par les armes pour l'unité religieuse du royaume.

Mais avant d'aborder la page suivante, nous arrêterons le sablier de l'histoire, pour une oraison funèbre dédiée à une dynastie souillée notamment par ses trahisons, ses intrigues, les meurtres commandités, ses "relations incestuelles" et rumeurs d'occultisme.

La vie des derniers membres de la branche collatérale des Capétiens, une mère repoussante comme une gorgone, ses enfants caractériels, quatre frères et deux sœurs, a de quoi servir de grandes dramaturgies ; Patrice Chéreau, avec "La reine Margot", inspiré par le roman d'Alexandre Dumas père, ne s'y est pas trompé.

 


Une naissance pour deux enterrements

Que sait-on de l'inquiétante, l'obscure et fascinante Catherine de Médicis ? Quelle fée Carabosse s'est penchée sur son berceau au cœur du palazzo Medici-Riccardi, résidence alors des Médicis à Florence.

 

Devenue adulte, Catherine bousculée par l'histoire exerce sur ses contemporains un mélange de répulsion et d'aversion ; très rarement d'attraction. A son nom, on accole sans procès, machiavélisme, fourberie, trahisons, maléfisme, occultisme ...

 

Mais qui est Catherine de Médicis ?

 

Sans assurer qu'il faille chercher dans son enfance des clés expliquant ses comportements futurs, il est utile de s'arrêter aux temps mouvementés, violents de son époque. Contextualiser cette dernière donnera quelques indices susceptibles d'éclairer les multiples  facettes de sa personnalité et de celles de ses contemporains. 

 

Paradoxalement, pendant ces temps de fureurs funestes où les hommes s'affrontent, triomphe un mouvement révolutionnaire, artistique, philosophique et scientifique : la Renaissance. Née au XV ème siècle à Florence et prenant son essor dans les cités-états d'Italie, la Renaissance puise sa force créative aux sources de l'héritage gréco-romain. Elle se développe grâce aux soutiens des despotes locaux qui soutiennent l'élite artistique et scientifique. Cette dernière, en contre-partie d'un parrainage qui lui donne par effet induit un statut social, sert la renommée de ses protecteurs princiers.

 

  L'Humanisme est sa référence et l'Homme "bien né" retrouve  sa place au sein de l'univers ! Pour ceux qui n’appartiennent pas aux classes supérieures, cette place est quasiment inaccessible, même si dans le principe rien ne s'y oppose !

 

Rappelons-nous qu'en 1516, l'homme politique anglais, le catholique Thomas More publie "Utopie". L'essai politique de cet ami d’Érasme, décrit une société idéale, où les hommes égaux entre eux pratiquent librement la religion de leur choix. Le système de gouvernance des utopiens (qui sont des pacifistes qui ont défini ce qu'est une guerre juste) ne repose pas sur un régime monarchique. 

 

Le 13 avril 1519, non loin del Duomo, Catherine, Maria, Romola di Lorenzo de Medici, née au palais Medici-Riccardi. Le 16 avril suivant, elle est baptisée. 

 

Elle est le fruit de l'union de Laurent Il de Médicis et Madeleine de la Tour d'Auvergne. Ce qui suit concerne l'ascendance de Catherine. Si sa filiation ne vous intéresse pas, ignorez le paragraphe suivant : non seulement ce paragraphe ne vous apportera rien de plus, mais il risque de vous donner des maux de tête, et Aspro peut-être inefficace dans les maux de tête.

 

Le premier est le petit-fils de Laurent le magnifique. Il porte fièrement le titre usurpé de duc d'Urbin (en effet seule la famille Della Rovere était légitime à régner sur le duché d'Urbin dont elle a été dépossédée en juin 1516 par le pape Léon X, second fils de Laurent Médicis, dit le Magnifique). La seconde est une princesse française, une cousine de François 1er. Sachant qu'il est prouvé que nous descendons statistiquement d'Adam et d'Ève, ne perdons pas notre temps dans les rameaux de l'arbre généalogique initial.

 

Le mauvais sort qui devait accompagner Catherine dans sa vie était au rendez-vous. En effet, à peine venue au monde, ses parents décèdent à quelques jours de distance. En ces temps où les croyances liées aux superstitions occupent une place importante, certains y lisent déjà le signe d'une funèbre destinée.

 

Catherine a donc poussé ses premiers vagissements, à peine les corps de son père et de sa mère déposés pour l'éternité à la Sagrestia Nuova (commencée par Michel-Ange, la Nouvelle Sacristie abrite quelques tombeaux des Médicis ; l'église Santa Croce étant pour Alexandre Dumas, le panthéon florentin des proscrits de la cité : Dante, Galilée, Machiavel, Michel-Ange... )

 

L'astrologue florentin Basile, après avoir monté son horoscope aurait conclut qu'elle apporterait le malheur là où elle se marierait.

 

 


Une sacrée famille !

La mort prématurée de ses parents rend Catherine l'unique héritière (si on exclut les nombreux bâtards) de l'illustre et puissante lignée des Médicis qui ont fait de Florence une cité pionnière, et vectrice de la Renaissance italienne. Dès lors, l'enfançon Catherine occupe une place stratégique sur l'échiquier politique de son temps.
 
L'identité des Médicis est fortement liée à la ville qui lui doit son prestigieux passé et son exemplarité artistique. Mais qui sont les Médicis ?
 
L'héraldique nous aidera à les identifier. Les 6  boules de gueules (à l'origine au nombre de 11) sur un champ d'or de leur blason (palles- palleschi)  figureraient des pilules, rappelant le métier de médecin (medeci ou medicus) qu'ils auraient exercé. Elles pourraient aussi représenter six besants (monnaie byzantine), référence symbolique à la banque Médicéenne dont ils étaient propriétaires.

 

Les Médicis : une famille de Bourgeois parvenus, originaire de la région de Muggo à une trentaine de kilomètres de Florence. Une famille qui deviendra dynastie, et va s' imposer devant les deux nobles et historiques lignées de cette ville, les Strozzi et les Pazzi.

 

Le premier des Médicis est un héros de légende. Alexandre Dumas a rappelé ses hauts faits. Alors que le chevalier Averard de Médicis chevauchait sur la route de Rome aux côtés de Charlemagne qui luttait contre les Lombards, surgit un géant nommé Mugello qui terrorisait Florence. Au cours du combat singulier qui vit s'affronter le monstre et le preux, vint s'imprimer sur le bouclier d'or d'Averard la marque de six boules ensanglantées qui lestaient le goupillon du nuisible.  En remerciement Charlemagne autorise le valeureux à s'installer dans la région et d'hériter de la totalité des biens locaux du vaincu. Les 6 marques imprimées par les boules sur le bouclier imprimées inspirent les armes des vaillant Médicis. Cette origine légendaire dont s'enorgueillissait la famille pour effacer ses origines roturières sera paradoxalement réfutée par Cosme de Médicis dit l'Ancien.  Wikipedia en donne l'explication (cf Les origines)

 

Pour Machiavel, les Médicis se résume à "une race d'usuriers". Mais ce sont des prêteurs avisés dont les banques ne feront pas faillite comme celles celles des Bardi et Peruzzi ruinés par les rois Edouard III d'Angleterre et Robert 1er de Naples, roi de Sicile, ou la banque Alberti en 1390. Le blog de Gratien apporte des éléments précieux pour ceux qui souhaiteraient aller plus loin dans les deux premiers kraks bancaires. En1397, Jean de Médicis fonde une banque portant son nom. Il s'appuie sur fils Cosme de Médicis, dit l'Ancien (Cosimo de Medicis) qui lui succédera. Tout en augmentant le nombre de leurs filiales bancaires, les deux hommes anticipent les problèmes financiers qui pourraient affecter leurs établissements. Exemple donné dans un article est paru dans le magazine GEO Histoire "Florence et les Médicis" (n°23 ) : "chacune des filiales était une société à part, dont le gérant était actionnaire minoritaire, tandis que la société mère était majoritaire et chapeautait l’ensemble. Ainsi, la défaillance d’une filiale ne menaçait pas toute l’entreprise."

 

Voilà comment ont été contrées les menaces que la banqueroute d'un seul établissement par effet domino faisaient peser à l'ensemble des banques Medicéennes.  Quand il succédera à son père, Cosme de Médicis tout en consolidant et développant l'héritage familial est  à l'origine de l'ascension familiale. Cet excellent banquier qui a le pape comme client est aussi un politique avisé. Après emprisonnement et son bannissement de Florence, il organise son retour et s'impose à la république oligarchique Florentine, comme le décideur incontournable. À sa mort, il semblerait que ce maitre de l'agiotage ait été un des hommes le plus riches d'Europe.
 
Cette grande famille toscane va transmettre à la postérité les œuvres majeures, objet aujourd'hui d'une admiration universelle. Mais le rayonnement politique (tactiques, les Médicis ont réussi à contrôler et s'emparer du pouvoir communal) et artistique de cette dynastie de marchands-banquiers ira bien au-delà des horizons toscans.
 
Commanditaires avisés, généreux, leurs goûts artistiques sûrs (toujours dispendieux) vont permettre aux nombreux artistes qu'ils sollicitent d'exprimer l'exceptionnel. Ces derniers sont leurs thuriféraires en contribuant à leur renom, politique et mécénat étant liés. En favorisant la création, leur "Maison" encourage un mouvement permettant aux artisans reconnus d'acquérir un statut social qui les hisse dans une société où les princes les courtisent.
 
Ce prestigieux lignage fait de Catherine, dès sa naissance, un pion sur l'échiquier politique européen.
 
Catherine est élevée dans le palais où elle est née. D'abord par sa grand-mère Alfonsina de Médicis qui décède le 7 février 1520. Puis par sa tante, Clarice Strozzi, petite-fille de Laurent de Médicis. Extérieurement nul ne devinerait que les sévères façades de la résidence (fermée sur l'extérieur dans un souci défensif) servent d'écrin à de très rares richesses de la Renaissance. Le goût du luxe et de confort des Médicis fait de ce palais une résidence digne d'un prince.
 
Clarice n'est pas que belle, jeune et volontaire. Lettrée, érudite, intelligente, elle donne à Catherine, appelée affectueusement et légitimement « duchessina », l'amour dont elle a besoin et le goût des choses belles et rares. La fillette  grandit auprès d''Hippolyte et Alexandre de Médicis qui lui sont présentés comme ses demi-frères. En réalité les deux garçons sont des bâtards Médicis.
 
(Si leur filiation ne  vous intéresse pas, ignorez le paragraphe suivant; non seulement il ne vous apportera rien de plus, mais il risque de vous pousser à vider votre armoire à pharmacie pour trouver un aspro !)
 
Le premier est le fils illégitime de Julien de Médicis et le second Alexandre dit "Le Maure" est probablement le fils que le pape Clément VII a eu du temps où il était cardinal.
 
L'histoire qui suit est à lier aux longues guerres d'Italie : ici elles ne sont que brièvement rappelées. Ces conflits opposent principalement la France et l'Espagne tentant de prendre pied durablement en Italie. Inquiets pour préserver voire agrandir l'État pontifical, les pontifes suivant le contexte s'allient au premier ou au second, l'Angleterre s'invitant dans la danse macabre, comme un arbitre incontournable. Les États italiens essaient aussi d'échapper à cette hégémonie en choisissant leur camp, par le biais d'une diplomatie changeante.
 
Trois souverains à la forte personnalité dominent la scène politique. Exsudant une ambition démesurée, Charles-Quint, François 1er et Henri VIII vont s'embrasser comme des frères, se défier les uns des autres, se trahir et s'opposer militairement. Le soleil ne se couche jamais sur les territoires du premier. Les deux autres qui règnent respectivement et plus modestement sur la France et l'Angleterre n'entendent pas rester dans l'ombre du premier.


La chrétienté divisée

Et pour ajouter à la conjoncture politique particulièrement complexe, on se souviendra que dans ce paysage il faut compter sur un quatrième trublion. En 1520, à 26 ans Soliman le Magnifique devient le dixième sultan de l'Empire ottoman. Immédiatement ce stratège doté d’une intelligence aiguë, lance des opérations militaires visant à étendre son empire, déchristianiser les terres conquises.

 

Süleyman est un foudre de guerre qui surgissant alors que personne ne l'attendait brouille gravement le jeu géopolitique.

  

La Sublime Porte (empire ottoman) profite des divisions entre les souverains européens qui s’affaiblissent à s'opposer, militairement et diplomatiquement. Exemple. Dans le cadre d'une alliance Franco-Ottomane, François 1er, le "Roy Très-Chrestien", encourage Soliman, avec quelques bakchichs, à attaquer Charles-Quint, le Roi Très-Catholique, monarque hispanique et empereur du Saint-Empire Romain Germanique.

 

Et tout cela se joue dans une chrétienté divisée par un charismatique moine de Thuringe : Martin Luther, le trublion céleste. Martin, choqué par le commerce des "indulgences", marchandage qui consiste contre paiement à l’Église, à la rémission d'un pêché, a ouvert une crise religieuse et politique profonde en Europe. Opposés aux docteurs de l’Église qui ont trahi le message de l'évangile, les thèses de ce réformateur et ses attaques contre une papauté plus au service des plaisirs terrestres qu'au service de Dieu, sont largement relayées par l'imprimerie. Elles trouvent rapidement un écho favorable et des appuis politiques notamment auprès d'une grande partie princes Allemands dont les États composent le Saint-Empire Romain Germanique.

 

Pour ce théologien l’Empire ottoman était une juste punition divine contre le mal représenté par Rome ; combattre les Ottomans était une faute car cela revenait à s'opposer à la colère de Dieu et à la fin des temps que ce dernier avait programmés.

 

Ce n'est qu'en 1529, lorsque les forces de Soliman assiègent Vienne, que cette forte personnalité va demander à ses partisans de changer d’attitude. La ville apparait à tous comme le rempart et le symbole à soutenir pour éviter la dislocation de la chrétienté. Luther accepte que ses "disciples" luttent, dans une urgence défensive, avec le reste de la communauté catholique pour stopper l'avance des Turcs. Hormis cet épisode d'unité, les princes adhérant au luthéranisme vont eux aussi contribuer aux fureurs de ce temps et à la scission du monde chrétien, royaumes contre royaumes.

 

Ce n'est que le 7 octobre 1571 dans le golfe Grec de Lépante (aujourd'hui Patras)  que l'expansion Ottomane est stoppée nette au cours de la  mémorable  bataille navale de Lépante.  Juan d'Autriche, un bâtard de Charles Quint et demi-frère du roi Philippe II régnant alors sur l'Espagne donne la victoire aux flottes chrétiennes qu'il commandait.  Sélim II, fils de Soliman le magnifique présidait aux destiné;es de  la Sublime . C'est au cours des combats que l’écrivain  Cervantes perdit l'usage de la main gauche


Un ascète sous les ors du Vatican

Notre odyssée se poursuit par une date obscure qui n'intéresserait aucun inventeur programmant sa machine à remonter le temps : le 14 septembre 1523.  Et pourtant la suite de notre histoire peut s'y rattacher !  Le challenge est de piquer votre curiosité (si votre lecture vous a conduit ici, c'est un bon départ), après avoir planté le décor qui va servir à vous présenter ce qui s'apparente à une épopée.

 

Ce jour-là, après moins de deux ans de pontificat, l’âme du pape Adrien VI, cet ascète écrasé d'humilité sous les ors du Vatican (dont il a commencé à distribuer les richesses) retourne à son créateur. L’élection de ce théologien originaire d’Utrecht au Saint-Siège apostolique (fils d'un simple menuisier et ancien précepteur de Charles-Quint) résultait entre autres, d’un manque de consensus entre les cardinaux, et de l'ingérence de Charles-Quint qui parvient à écarter de la chaire de Saint-Pierre les Médicis, alliés des Français.

 

À défaut de s’entendre sur un nom, Charles-Quint et un Saint-Esprit farceur s'étant invité au conclave, les cardinaux choisirent par un vote à l'unanimité un presque saint ! En élisant le 9 janvier 1522 (le , Martin Luther était excommunié) un cœur en quête du royaume de Dieu et de son incompréhensibilité divine, le Collège cardinalice pensait que le Saint-Père serait un pape de transition, assez charitable pour les laisser traiter à leur guise les affaires de ce monde, dont ils tiraient bénéfices, honneurs et plaisirs. Ils devaient regretter très vite ce choix. Fuyant les vanités de ce monde, l'élu accepte le ministère pétrinien comme une croix à porter, avec la volonté de se montrer à la hauteur de la mission divine que le ciel lui a confiée.

Pape soutenant le christ. Château d'Ecouen 2016.Source Michel Hourdebaigt.
Pape soutenant le christ. Château d'Ecouen 2016.Source Michel Hourdebaigt.

Le "Serviteur des serviteurs de Dieu" (un des nombreux titres des papes) confiant dans la miséricorde céleste, entendait ramener avec la plus grande fermeté au bercail les brebis égarées, et sans onction quand il convenait de sermonner.

 

Et pour rassembler son troupeau, le vicaire de Jésus-Christ en bon chien de berger savait montrer les crocs au bétail récalcitrant. Sa recherche de l'inaccessible vérité céleste, ne l'empêche donc pas de terroriser ses frères dans le sacerdoce, de réformer sans faiblesse la Curie, d’inquiéter la hiérarchie ecclésiastique en envoyant faire pénitence ses membres corrompus. Ceux-ci sont remplacés par des hommes intègres et pieux. À la tête d'une monarchie ecclésiastique centralisée sous son autorité, le Saint-Père entendait utiliser la théocratie pontificale pour imposer à l'ensemble des dirigeants de l’Église, une vie mortifiée exemplaire, plus conforme avec les valeurs christiques.


Mort suspecte au Vatican

Tombeau d'Adrien VI. Source Guiseppe Larocca.2016
Tombeau d'Adrien VI. Source Guiseppe Larocca.2016

Et sous les ors du Vatican où il étouffe, l’apôtre ardent soumis à la volonté de son créateur maitre des destinées demeure par sacrifice ; et le saint homme d'expliquer que l'on ne peut rencontrer Dieu que la nudité des églises, dans le dépouillement des Hommes.

 

L’exemplarité de la vie de ce "pauvre pour les pauvres" irritait une église romaine vénale aux mœurs licencieuses, lancée entre autres dans une course aux profits, comme les juteuses prébendes.

 

La volonté de pureté du pontife à étendre aux dignitaires ecclésiastiques, ses oukases papaux vertueux, heurtent le corps ecclésial, mais aussi le reste de la classe politique et économique italiennes dominantes. La lutte qui s’ensuit entre eux et le vicaire du Christ pourrait expliquer la mort du pontife, passant rapidement de vie à trépas.

 

Santa Maria dell'Anima. 2016. Guiseppe Larocca.
Santa Maria dell'Anima. 2016. Guiseppe Larocca.

Nombreux sont ceux qui pensent que l'Évêque de Rome n'est pas mort des suites d'une malaria.

 

Comment un homme plein d'énergie a pu se transformer en vieillard cacochyme ? Son décès serait le fait de créatures de Dieu plus versées dans les sciences des poisons que dans les subtilités théologiques. Le vrai miracle de l'existence de ce pape réside dans la longueur de son pontificat, tant Adrien avait levé dès le début de son règne contre lui un clergé réfractaire à renouer avec les valeurs christiques. 

 

Inhumé dans la basilique St Pierre de Rome, c'est à Santa Maria dell'Anima, modeste église Romaine que sa dépouille est reléguée dans l'attente de la résurrection des corps.

Tombeau d'Adrien VI. Eglise de Santa Maria dell'Anima. 2016. Source Guiseppe Larocca.
Tombeau d'Adrien VI. Eglise de Santa Maria dell'Anima. 2016. Source Guiseppe Larocca.

 

Sous son pontificat le Vatican avait perdu de sa magnificence et de son rayonnement artistique. Les Romains (ces marchands du Temple) respectaient peu le saint homme. Ils imputaient à son ascétisme, son souci d'économie, son contrôle de l'élite politico-économique, la fin des activités mercantiles induites par ses devanciers. La ville éternelle était une ville morte au monde des affaires !

 

 Aussi, en apprenant la mort du Saint-Père, on raconte que les citoyens romains facétieux écrivirent sur la porte du médecin du pontife "Au libérateur de la patrie, le sénat et le peuple romain".

 

La béatification d'Adrien aurait pu être source de revenus pour l’Église, mais probablement la haine portée à ce pape est tellement forte que l'idée en est écartée par ceux-là mêmes qui auraient pu en tirer des profits. Faire oublier et oublier Adrien, voilà la priorité ! Et pour gommer le règne du ladre, lui édifier modeste tombeau, dans une modeste église était un bon commencement. Mais pour ne pas dévaloriser la qualité de pape, cet humble chrétien eut droit à un majestueux tombeaux.


Habemus papam

Clément VII par Sebastiano del Piombo.Museo di Capodimonte
Clément VII par Sebastiano del Piombo.Museo di Capodimonte

Le chantre de la vertu rapidement enterré et oublié, reste à résoudre "la vacance du siège apostolique" (Sede vacante).
 
Aussi les cardinaux électeurs se réunissent. Assemblés en conclave, un des plus long de l'histoire en raison des enjeux, ils vont élire un nouveau Serviteur des serviteurs de Dieu. Inspirés par leurs intérêts et privilèges, les Éminentissimes et Révérendissimes cardinaux ne renouvellent pas l'erreur de la précédente élection.
 
Le 19 novembre 1523, Jules de Médicis (fils illégitime  de Julien de Médicis, neveu de Laurent de Médicis et cousin germain du pape Léon X auquel Adrien avait succédé ) papable et soutenu par François 1er, devient à son tour Pasteur de l’Église universelle.

 Revêtu de ses précieux habits pontificaux, dans un bruissement délicat de surplis de velours, un froufrou d'étoffes précieuses, Sa Sainteté monte avec légèreté et majesté, chaussée d'eschappins de satin blanc, les marches conduisant au trône de St Pierre. Tiare pontificale bien posée sur sa tête, l'élu prend le titre de Clément VII.
 
Le Vicaire du prince des apôtres (un des nombreux titres des papes) est plus prince qu'apôtre des nécessiteux. On l'a compris, le choix de Clément VII ne doit rien aux lumières du Saint-Esprit. Le vote du Sacré Collège pour Jules de Médicis permet au Saint-Siège de renouer avec ses vieux démons : affairisme, cupidité, favoritisme, luxure, népotisme ...
 
En vérité, frères bien-aimés de Dieu, je vous le dis. Comme la majorité des prélats, ce Saint-Père-là, préfère la soie à la bure grossière, les vins et les mets délicats aux espèces sacramentelles du pain et du vin, pour communier au corps mystique du Christ. Pour le pontife romain, le vœu de chasteté tient plus de la théorie que de la pratique. Quand ce diable d'homme atteignait le 7ème ciel, il entrait comme un bienheureux au paradis. En une phrase, Clément n'a jamais usé un chapelet, et privilégie l’assouvissement des sens, à l'élévation de son âme vers les jouissances spirituelles.

 

"L'imperium mundi"

La première vocation de cet impie est la politique. Clément, à la tête d'un État dont il est la clé de voute. De sa chaire apostolique, il considère le pouvoir pontifical comme supranational. Cette conception qui place la cité de Dieu (l’Église) au-dessus de la cité des hommes (les royaumes) se heurte à celle des souverains de son temps. Pour ces derniers, la primauté papale est un vestige féodal, incompatible avec les royaumes modernes qu'ils construisent. Ils combattront "l'imperium mundi", cette suprématie prétentieuse du pape se plaçant au-dessus des autres souverains.
 
Pour eux, les pouvoirs féodaux sont des freins incompatibles avec leur autorité. Ils ne peuvent disputer au chef suprême de l’Église son pouvoir sur le royaume messianique du christ, mais n'admettent pas la suprématie de l’Église, sur leur État. Ils considèrent qu'ils n'ont de compte à rendre qu'à Dieu, qui les a placés sur leur trône, pour le bien de leurs peuples. Pour s'imposer, ils créent et renforcent, des structures étatiques, utiles à leur suprématie. Ébauche de l'absolutisme, ces dernières qu'ils s'efforcent de placer sous leur autorité, seront des outils au service de l'unité, de la sécurité, et du développement de leurs États. Cependant certains leviers échappent à leur contrôle, soit restent à construire, voire assoir, alors que l'institution ecclésiale s'est déjà très bien structurée autour du pape, dont l'autorité épiscopale se double d'un l'absolutisme bien établi.  Pour les théoriciens des monarchies fortes, subordonner les rois aux pontifes est une vision erronée, héritée du Bas Moyen-Age. Cela  n'empêchera pas monarques et pontifes, de s'utiliser mutuellement, en fonction de leurs intérêts du moment. L'ami d'un jour, selon les circonstances, sera l’ennemi du lendemain !
 
La seconde vocation de Clément est le mécénat ; comme tous les Médicis, l'homme a l’âme d'un artiste et les fonds qu'il faut pour jouer au riche mécène.
 
Avec lui finit le temps où le pape Adrien considérait les fortunes englouties dans les œuvres d’art comme fautes impies, l’argent selon Adrien devant servir à soulager la misère. Même si les voies du Seigneur sont impénétrables, Adrien considérait que la contemplation d'une œuvre d'art ne contribuait pas à la fusion de l'Homme avec le divin. Clément se tient bien loin de la misère et les vœux de pauvreté lui sont aussi étrangers, que ne l'est à Soliman, le concept du Saint-Esprit. Cependant, rendons à César ce qui est à César. Dans ces temps de violence, il protège les juifs et les Indiens, tout en condamnant leur conversion forcée. En ce sens, il y a chez cet homme, une très grande parcelle d'humanité !
 
Si Clément VII accomplit un parcours de mécène sans faute, il en va autrement de sa politique étrangère. Catastrophique ! Considérant que les ambitions territoriales de l'empereur Charles-Quint en Italie comme une menace pour les États pontificaux dont l'unité territoriale restait à consolider, le pontife met fin à une politique d'équilibre entre les "chapelles" françaises et espagnoles. Le Saint-Siège a son initiative entre alors dans une active diplomatie souterraine contre Charles-Quint, à qui Clément doit pourtant son élection.

 


Pour tromper le monde, ressemblez au monde - Macbeth (William Shakespeare)

François 1er. Château de Blois.(Source : Sylve VALENTIN).
François 1er. Château de Blois.(Source : Sylve VALENTIN).

Le Vicaire de Jésus-Christ qui pourrait s’allier au diable pour parvenir à ses fins se rapproche de François 1er (qui s'est pourtant opposé à son élection sur le trône de Saint Pierre) l'ennemi juré de Charles Quint. L'entente diplomatique entre le roi de France et Clément VII conduit ce dernier à entrer dans la "Ligue de Cognac" (en font partie outre les royaumes de France et d'Angleterre, les duchés de Florence et de Milan, les républiques de Venise et de Gènes, la Confédération helvétique) dirigée contre Charles-Quint, et que François 1er a initié, pour ne pas respecter le déshonorant  traité de Madrid imposé par Charles Quint.

 

Quand Charles-Quint découvre le parjure du roi de France qui se conjugue avec les manœuvres du pape, il conçoit les plus noirs desseins et s'attaque en priorité à celui des deux qu'il sera le plus facile d'atteindre.

  

Retenu par ailleurs à des affaires urgentes, l'empereur tudesque-roi suggère à un de ses alliés d'aller infliger une bonne leçon de repentance à l’évêque du Saint-Siège. Ainsi, le cardinal Pompeo Colonna (rival de Clément VII à l'élection papale et d'une famille historiquement ennemie des Médicis) envahit le 20 septembre 1526 avec sa soldatesque la ville pontificale.

 

Le pape essaie de soulever les Romains contre les troupes de Colonna. La population, lasse de payer pour des aventures politiques du pontife, ne se lève pas pour le défendre. Prisonnier dans le château Saint-Ange, Clément VII demande l'aide du souverain du Saint-Empire Romain Germanique. Ce dernier conditionne son appui : le pape doit rompre avec la ligue de Cognac. Clément VII, une vipère cachée au fond de son âme, l'air faussement contrit et doucereux cède à l'empereur. Pompeo Colonna qui a terrifié le pape évacue à regret Rome.

 

Libre, Clément VII qui n'a pas plus de parole que de foi revient sans remords sur un engagement pris sous la contrainte. Il appelle à son secours François Ier, qui l'assure de son soutien total. Paroles d'évangile dit François 1er: la France fournira de l'or et des soldats.

 

Pour Charles-Quint, le pape vient de commettre un parjure de plus, mais celui-là lui est intolérable.